Le marché français du miel en 2022 : quelles ressources, quels débouchés 
et quel niveau de consommation ?

Publié le 17/12/2023

Qualité des produits

Les résultats de l’enquête de ITSAP-Institut de l’abeille

Identifier les différents usages du miel en France, analyser la répartition du miel disponible entre la grande distribution, la vente directe et les exportations. Regarder les évolutions majeures de ces dernières années concernant l’origine du miel, les débouchés et le niveau de la consommation française. Sur l’ensemble de ces questions, voici des premiers éléments de réponse issus de notre étude.

Les « emplois » recouvrent l’ensemble des usages ou débouchés du miel disponible sur le marché domestique. Les ventes au détail en pots représentent en 2022 le principal débouché ; et ce dans trois principaux circuits dédiés à la consommation directe des ménages : tous les formats de la grande distribution alimentaire ; les ventes à différents types de magasins (magasins spécialisés, épiceries fines, points de vente de produits du terroir) ; et enfin l’ensemble des formes de la vente directe par les apiculteurs (y compris les ventes via Internet).

En amont de ces opérateurs, les ventes « indirectes » passent par un ou plusieurs opérateurs dont certains conditionnent le miel, on peut citer notamment les ventes des apiculteurs à d’autres apiculteurs, les exportateurs vers les pays de l’UE et les pays tiers et aussi, les conditionneurs ainsi que les grossistes servant la restauration, les industries agroalimentaires et cosmétiques. Enfin, l’éventuelle augmentation de stocks chez les apiculteurs et les conditionneurs vient compléter ce bilan des emplois.

D’où viennent nos chiffres ?

Différentes sources permettent de préciser les tonnages vendus dans certains circuits. Les données 2022 du panel NIELSEN fournies par FranceAgriMer précisent en volume et en valeur les ventes pour certains formats de magasins : hypermarchés, supermarchés et magasins de proximité. Pour les autres formats de magasins, que ce soit les drives ou les Enseignes à Dominante Marques Propres (EDMP), c’est-à-dire les magasins anciennement dénommés Hard discount, les données du panel n’ont pas été communiquées par FranceAgriMer.

Les exportations sont précisément connues par les données des douanes françaises. L’enquête annuelle de l’Observatoire de la production de miel de FranceAgriMer fournit les volumes vendus par les apiculteurs dans les différents circuits et notamment le tonnage de miel écoulé en ventes directes. On ne dispose pas d’outils de suivi annuel des ventes de miel dans les autres circuits. Il reste que les tonnages et surtout l’origine des miels vendus en ventes directes par les apiculteurs constituent une donnée difficile à estimer, souvent basée sur du déclaratif. Les entretiens avec des acteurs clés (apiculteurs, conditionneurs, négociants) permettent de conforter les tendances identifiées par ces différentes sources.

En 2022 une dynamique différente selon les différents débouchés

Les ventes directes et par Internet, des apiculteurs aux consommateurs, augmentent en tonnage de plus de 4 000 tonnes avec un poids relatif de 42,4%. Grâce au niveau élevé de la récolte, les apiculteurs ont pu commercialiser un tonnage très important auprès des consommateurs qui privilégient le circuit court pour se rassurer sur l’origine du miel acheté. Le miel et les produits transformés à base de miel restent des produits emblématiques de la volonté des consommateurs d’une part de soutenir les apiculteurs et de dialoguer avec eux, et d’autre part de s’investir dans l’acte d’achat.

À l’inverse, les achats des ménages en grande distribution selon trois formats de magasins que sont les hypermarchés, les supermarchés et les magasins de proximité, sont pratiquement stables. Les données fournies par FranceAgriMer (panel NIELSEN) concluent à une légère baisse de -2% au global avec un recul en hypermarchés, une stabilité en supermarchés et une hausse dans les magasins de proximité. L’Observatoire de la production de miel (FranceAgriMer, 2023) conclut à une augmentation aussi bien en poids relatif qu’en tonnage des ventes des apiculteurs dans les magasins spécialisés, les magasins bios compris : ceux-ci représentent 12,8% des débouchés, soit 2 points de plus qu’en 2021, pour un tonnage de 4 020 tonnes soit une croissance de + 1 840 tonnes par rapport à 2021.

Tableau 1 : Tonnage et prix de vente au détail du miel vendu dans trois formats de magasins. 2017-2022

Source : sur la base des données du Panel distributeur Nielsen élaborées par FranceAgriMer.

Évolution des ventes en grande distribution

FranceAgriMer fournit des données élaborées par ses soins sur la base des résultats du panel Nielsen en volume et valeur, et ce sur la période 2017-2022 toujours pour les mêmes 3 formats de magasins. A priori, les données disponibles ne couvrent pas les EDMP et les drives. Depuis 2021, le panel fournit des données spécifiques pour le miel AB et pour le miel conventionnel.

Après le rebond observé en 2020, et lié à la pandémie de COVID, 2021 affichait une baisse sensible des volumes de miel vendus pour les deux formats principaux, hypermarchés et supermarchés. En 2022, celle-ci se poursuit pour les hypermarchés (-4%). En supermarchés, les ventes sont quasi stables (-1%), et en hausse dans les magasins de proximité (+4%). Dans un contexte d’inflation généralisée des produits alimentaires, les prix du miel vendu affichent une hausse mesurée, de l’ordre +4% à +5% selon les formats de magasins.

Les prix de vente du miel en Agriculture Biologique augmentent mais de façon modérée : +3% en hypermarchés, +2% en supermarchés et magasins de proximité. Ces prix de vente augmentent moins que ceux du miel conventionnel.

Tableau 2 : Évolution du poids relatif de la récolte et du tonnage vendu en ventes directes par les apiculteurs. 2018-2022

Source : Observatoire de la production de miel. FranceAgriMer, 2018-2022.

Les ventes directes augmentent en réponse à une faible récolte

Sur la période 2018-2022, le poids relatifs des ventes directes affichent une tendance à la hausse avec cependant de fortes variations en fonction des années. La valeur de cet indicateur est inversement proportionnelle au niveau de la récolte : plus celle-ci est faible, plus le poids relatif des ventes directes est élevé. Logiquement, les apiculteurs cherchent à augmenter la marge globale de leur atelier, les ventes en circuits courts étant globalement plus rémunératrices que celles en circuits longs, mais demandent plus de temps dédié à la commercialisation des produits.

En 2022, le poids relatif des ventes directes atteint 42% pour un tonnage en forte hausse par rapport à 2021. Et ce, alors même que les effets positifs du confinement lié au « COVID » se sont manifestement estompés en 2022. Les tendances de fond orientant les achats en circuits courts pour certains produits restent bien présentes pour un pourcentage significatif de consommateurs.

Et les principales composantes du comportement d’achat du miel en circuits courts affichent une vraie dynamique, notamment dans les zones touristiques : contact avec la nature, connaissance de l’apiculture, valeur pédagogique du dialogue avec les apiculteurs notamment pour les plus jeunes, meilleure garantie sur l’origine du produit, achat plaisir, etc…

Évolution des ventes de miel biologique en grande distribution

Les données spécifiques aux ventes de miel issu de l’agriculture biologique, en volume et en valeur, sont disponibles au sein des données fournis par FranceAgriMer (panel NIELSEN) sur les années 2021 et 2022. Elles permettent de présenter une analyse de ce segment de marché en grande distribution. Les ventes en volume de miel biologique sont en recul en 2022 dans les trois formats de magasins pour lesquelles des données sont disponibles : -6% pour les hypermarchés, -5% pour les supermarchés et -1% pour les magasins de proximité.

Comparés aux prix du miel conventionnel, les prix du miel AB sont assez supérieurs en 2022, avec des différences observées selon les formats de magasins : un maximum de + 28% est constaté en hypermarchés quand l’écart est plus mesuré en supermarchés, de l’ordre de 20% et de 22% pour les magasins de proximité.

Figure 1 : Bilan des emplois et ressources pour le miel, 2018-2022

Une consommation totale qui serait en hausse en 2022

Elle est en effet sujette à certaines réserves. La figure 1 ci-dessous présente un bilan des emplois et des ressources pour le miel pour la période 2018-2022. Elle met en regard différentes variables du marché français du miel, notamment la récolte française et sa partie commercialisée, le tonnage de miels importés, les exportations de miels et pour les emplois, la consommation ainsi que les augmentations de stocks chez les apiculteurs et les conditionneurs.

Outre l’augmentation des stocks chez les apiculteurs, estimée à +3 200 tonnes, celle observée chez les conditionneurs est estimée à +5 000 tonnes.

La méthode des bilans aboutit à une consommation de miel en 2022 évaluée à 49 700 tonnes soit +6% par rapport à 2021 avec comme seule explication la hausse des ventes directes (+4 000 tonnes) et, dans une moindre mesure, celles en magasins.

Analyse par année civile et méthode des bilans : prudence !

L’année 2022 est marquée par une nette hausse du disponible apparent de +22%, atteignant le niveau record de 63 130 tonnes. Mais la méthode du bilan affiche ses limites avec des signaux contradictoires entre des ressources en nette hausse et des débouchés en demi-teinte, liés à un contexte très contraint de la consommation alimentaire des ménages et la fin des comportements d’achat observés en 2021, année post COVID.

De plus, l’approche par année civile ne permet pas de prendre en compte la saisonnalité du fonctionnement du marché : le 1er semestre de l’année n s’explique par la conjoncture de l’année n-1 et une visibilité limitée de la récolte à venir ; pour le 2ème semestre les opérateurs se comportent, en termes d’achats en France et à l’importation, en considérant leurs prévisions de la récolte de l’année en France.

En 2022, les opérateurs dont les stocks étaient au plus bas se sont couverts dès le début d’année par des achats importants à l’importation (55% du tonnage importé au 1er semestre et 40% sur les 4 premiers mois de l’année). Le début du conflit en Ukraine en février 2022, générant de l’incertitude concernant les ventes de ce pays, a sans doute aussi joué un rôle dans la constitution de ces stocks de sureté.

La recherche de prix par les consommateurs explique le recul des ventes en 2022 au sein des deux principaux formats de la GMS (-3% pour les hypers et les supers en cumul) et le succès des EDMP : +8,2% en tonnage, par exemple, pour le hard discount, si l’on se fie aux conditionneurs auprès desquels des entretiens ont été menés. En parallèle, les gammes de produits en linéaires des GMS ont évolué pour proposer une offre plus compétitive.

Même en retenant l’hypothèse d’une reconstitution des stocks chez les conditionneurs en 2022 (+5 000 tonnes), la méthode des bilans aboutit à une hausse de la consommation de miel en 2022 estimée à +6% qui semble encore bien élevée. On peut aussi penser que la consommation en 2021 a été sous-estimée (46 900 tonnes) avec sans doute des ventes de miel récolté en 2020, année marquée par une récolte abondante.

Pour en savoir plus :

Auteurs : 

Jacques Combes (consultant indépendant), Cécile Ferrus (ITSAP-Institut de l’abeille)

Contact : 

cecile.ferrus(a)itsap.asso.fr

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