Marché français du miel : quels emplois des ressources et quel tonnage de miel consommé en 2023 ?

Publié le 17/12/2024

Qualité des produits

Les résultats de l’enquête de ITSAP-Institut de l’abeille

Identifier les différents débouchés du miel en France, analyser la répartition du miel disponible entre la grande distribution, la vente directe et les exportations. Faire le point sur les évolutions majeures sur l’origine du miel ces dernières années, les circuits de commercialisation et le niveau de la consommation française. Voici quelques éléments de réponse à ces problématiques majeures du marché.

Les emplois recouvrent l’ensemble des différents débouchés finaux des miels disponibles sur le marché français. Le tonnage de référence est le disponible apparent, qui est de l’ordre de 55 055 tonnes en 2023. Les principaux débouchés sont les ventes au détail en pots, dans trois circuits principaux pour la consommation directe des ménages que sont : l’ensemble des formes de la vente directe par les apiculteurs, y compris le e-commerce lié aux sites internet des apiculteurs ; tous les formats de la grande et moyenne distribution alimentaire, y compris le e-commerce c’est-à-dire les drives ; et enfin, les ventes à différents types de magasins à l’instar des magasins spécialisés, épiceries fines, points de vente de produits du terroir, autres très divers.

Les ventes « indirectes » passent par un ou plusieurs opérateurs dont certains conditionnent le miel. On a identifié les apiculteurs vendant à leurs collègues pour des volumes limités repartant sans doute en quasi-totalité dans les ventes directes ; mais aussi les conditionneurs, les grossistes servant la restauration, les industries agroalimentaires et cosmétiques ; ou les exportateurs vers les pays de l’UE et les pays tiers (à savoir principalement les conditionneurs).

D’où viennent nos chiffres ?

Différentes sources permettent de préciser les tonnages vendus dans certains circuits. Les données 2023 du panel NIELSEN fournies par FranceAgriMer précisent en volume et en valeur les ventes pour 4 des 5 formats de magasins : les hypermarchés, les supermarchés, les enseignes à dominante de marques propres (EDMP) et les magasins de proximité. Le panel Circana, inclut en plus le e-commerce, c’est-à-dire les drives.

Les exportations sont précisément connues grâce aux données des douanes françaises. Et l’enquête annuelle de l’Observatoire de la production de miel de FranceAgriMer fournit les volumes vendus par les apiculteurs dans les différents circuits, notamment le tonnage de miel écoulé en ventes directes. On ne dispose pas d’outils de suivi annuel des ventes de miel dans les autres circuits. Il reste que les tonnages et surtout l’origine des miels vendus en ventes directes par les apiculteurs constituent une donnée difficile à estimer, souvent basée sur du déclaratif. Les entretiens avec des acteurs clés tels que les apiculteurs, les conditionneurs ou les négociants permettent de conforter les tendances identifiées par ces différentes sources.

Baisse des ventes de miel dans les principaux circuits : en cause l’inflation affectant le secteur alimentaire

Les circuits de commercialisation des apiculteurs

La structure des débouchés est directement corrélée au nombre de ruches sauf pour la classe de taille « des moins de 50 ruches ». Ces ruchers, qui sont le fait d’une apiculture familiale, se caractérisent d’abord par l’importance de l’autoconsommation et des dons qui, cumulés, représentent 42% des débouchés en volume. Pour ces apiculteurs, les ventes directes aux consommateurs et aux autres apiculteurs pèsent pour leur part 48%. Les autres débouchés ont un poids relatif négligeable.

Pour les quatre autres classes de taille, les circuits courts (ventes directes et aux autres apiculteurs) passent de 59% pour la classe de « 50 à 150 ruches » à seulement 26% pour la classe de « plus de 400 ruches » ; le négoce (conditionneurs et coopératives) lui représente seulement 6% pour la classe « 50 à 150 ruches » puis de l’ordre de 20% pour les deux classes suivantes.

C’est en revanche le principal débouché pour la classe de « plus de 400 ruches », couvrant 42% du tonnage. Enfin les ventes aux GMS et aux magasins sont de l’ordre de 17% pour la classe de « 50 à 150 ruches », puis leurs poids relatifs augmentent régulièrement avec le nombre de ruches pour atteindre 26% à 28% pour les classes « 200 à 400 ruches » et « plus de 400 ruches ».

Le tonnage vendu en fûts aux coopératives, aux conditionneurs et aux autres apiculteurs ne représente que 7 800 tonnes, soit 33% du tonnage commercialisé qui s’élève à 23 795 tonnes. On en conclut que la mise en pots constitue un enjeu majeur pour les apiculteurs. Pour sa part, l'Observatoire de la production de FranceAgriMer annonce pour 2023 un tonnage en fûts de l’ordre de 8 300 tonnes.

Figure 1. Circuits de commercialisation des miels par classe de nombre de ruches, 2023

Source : sur la base des données de l’Observatoire de la production de miel et de gelée royale, FranceAgriMer, juillet 2024

Le tonnage vendu en direct par les apiculteurs recule en 2023

Son poids relatif fluctue entre 41% en 2021 et un maximum de 57%, l’année du Covid, marquée par une forte hausse de la consommation de miel et sans doute le choix des consommateurs de privilégier les circuits hors GMS. Ce débouché est donc déterminant pour la commercialisation du miel français.

En valeur, le poids relatif de ces ventes directes atteint sans doute facilement 50% sinon 65% du total, compte tenu du niveau des prix de vente. C’est aussi le débouché privilégié de miels mono-floraux spécifiques (callune, ronce, thym, romarin, rhododendron, pissenlit, etc.) que seules certaines enseignes de la grande distribution sélectionnent dans leurs assortiments.

Tableau 1. Chiffres clés des ventes directes, 2019 -2023

Source : sur la base des données de l’Observatoire de la production de miel et de gelée royale, FranceAgriMer. 2020-2024

Coté grande distribution, les achats des ménages continuent de baisser

Si la filière apicole française se caractérise par l'importance des ventes directes qui en constituent le 1er débouché, le circuit long des ventes en GMS se positionne en 2ème place, en volume et en valeur.

Les données des panels NielsenIQ et Circana témoignent de l’importance de celui-ci. Avec 20 652 tonnes de miel, les ventes en volume de la GMS représentent 37% du disponible apparent, de l’ordre de 55 055 tonnes. Et, au sein de ce tonnage, le miel français représente 31,6%, soit quelque 7 455 tonnes (source NielsenIQ) .

Les apiculteurs assurent 11% en volume des approvisionnements de la GMS pour un volume de 2 300 tonnes qui lui-même représente 8% de leurs ventes totales. Les conditionneurs assurent donc le solde, soit 89% des approvisionnements de la grande distribution. A côté du réseau des conditionneurs français, sont aussi présents des acteurs belges et espagnols, notamment au sein des EDMP allemandes présentes en France.

On peut rappeler aussi que 100% des ventes à la GMS se font en pots avec un étiquetage finalisé chez le fournisseur, la mise en pot étant réalisée soit chez l’apiculteur soit au sein du réseau des conditionneurs.

Tableau 2. Structure des ventes du miel en GMS, 2023

Source : données du panel NielsenIQ élaborées par FranceAgriMer. 2023. HM : hypermarchés - SM : supermarchés - EDMP : enseignes à marque propre - PROXI : petites surfaces de centres urbains

Les deux formats principaux, à savoir les hypermarchés (HM) et les supermarchés (SM), assurent 73% des ventes en volume et 76,5% en valeur. Le miel français représente respectivement de 30% à 35% des volumes vendus et 38% à 42% des ventes en valeur, leurs prix de vente étant de 22% à 24% plus chers que le prix moyen. Les EDMP réalisent 18% des ventes en volume mais seulement 13,4% en valeur, compte tenu de leur positionnement prix : le prix moyen de vente n’est que de 8,51 € par kilo, soit 27% inférieur à la moyenne.

La présence des miels français est significative avec 29% des volumes vendus et 34% en termes de chiffre d’affaires.

Enfin, le format PROXI représente 9% des ventes en volume et 10% en valeur. Le poids relatif des miels français est important, supérieur à 37%, et ils assurent 44% de la valeur des ventes, faisant de ce format le meilleur « ambassadeur » des miels français.

Tableau 3. Evolution des ventes en volume et en valeur. 2023 et variation par rapport à 2022.

Source : exploitation des données brutes du panel NielsenIQ élaborées par FranceAgriMer

Selon le bilan 2023 de Nielsen, présenté au Comité stratégique apicole – FranceAgriMer (CSA) du mois d’avril 2024, la crise du pouvoir d’achat continue de fragiliser les Français : en décembre 2023, 55% des foyers sont classés dans la catégorie « fragilisés», pour seulement 20% en décembre 2021. Les tartinables (ensemble confitures, miels et pates chocolatées) bénéficient d’une croissance à deux chiffres en valeur en 2023, contrairement à 2022 : + 14,4% pour toutes les catégories cumulées et + 13,3% pour les seules confitures ; Le miel quant à lui ne profite pas de l’inflation et souffre d’une baisse de visibilité.

On constate le même scénario pour tous les formats à l’exception des EDMP. En volume, les achats de miel baissent de 5,5% à presque 8% en SM, les miels français n’échappent pas à cette tendance ; en valeur, les ventes évoluent à la marge (entre -1% et +3%) pour les miels toutes origines et français. Les EDMP, avec un positionnement prix de près de 30% inférieur à la moyenne enregistrent des performances positives avec + 5,7% en volume (dont +17% pour le miel français) ; il en est de même en valeur avec une augmentation du chiffre d’affaires de +7% aussi bien pour le « total miel » que le « miel français ». Il faut cependant rester prudent sur les données concernant le format EDMP, compte-tenu du faible nombre d’enregistrements de base sur les achats de miels dans ces enseignes.

Tableau 4. Evolution des prix moyens d’achat par format de GMS. 2023 et variation par rapport à 2022.

Source : exploitation des données brutes du panel NielsenIQ élaborées par FranceAgriMer

En 2023, les prix au détail de la nomenclature INSEE « confitures, compotes et miel » ont augmenté de près de 15% tandis que ceux de l’alimentation hors produits frais se limitait à 10,2%. Tous les prix de vente des miels sont en augmentation, de 6% à 7% pour les principaux formats et jusqu’à 9% pour le format Proxi. Ces hausses sont cependant nettement en dessous de celle de l’indice des prix des produits alimentaires frais. Les augmentations du miel français sont plus sages avec des hausses allant de 5% à 7%.

On a même observé une baisse de 8% pour le miel français vendu dans le format EDMP. Le prix de vente du miel bio augmente en moyenne de 8%, avec une fourchette entre 7% et 11,5%. Le miel français est vendu entre 16 et 24% plus cher que le prix moyen de vente du miel, le différentiel le plus élevé est enregistré par les 2 formats HM et SM qui ensemble assurent plus de 70% des ventes en volume.

Une consommation totale estimée en hausse en 2023 malgré certaines réserves

La figure 1 ci-dessous présente un bilan des emplois et des ressources pour le miel sur la période 2020-2023. Elle met en parallèle différentes variables du marché français du miel, notamment la récolte nationale et la partie commercialisée de celle-ci, le tonnage de miels importés, les exportations de miels et pour les emplois, la consommation et les augmentations de stocks chez les apiculteurs et les conditionneurs.

La méthode des bilans aboutit à une consommation de miel en 2023 estimée à 50 578 tonnes, soit +1,7% par rapport à 2022. Ce résultat semble en contradiction avec les informations disponibles sur l’évolution des achats des ménages en 2023 qui représentent 72% des débouchés, à savoir une baisse des tonnages vendus en GMS et en ventes directes. L’hypothèse sous-jacente à ce résultat est une variation de stocks 2023 versus 2022, nulle chez les conditionneurs : en effet, la valeur de cet indicateur n’est pas connue. La consommation étant calculée comme la différence entre le disponible apparent et le seul emploi connu à savoir les exportations, une hausse éventuelle du stock des conditionneurs viendrait diminuer d’autant le tonnage consommé en France.

Figure 2. Bilan des emplois et ressources pour le miel, 2018-2022

Source : données du livrable 1 (ITSAP, 2024) et données élaborées au sein de ce même rapport.

Types de conditionnement au sein des flux en 2023

Un dernier schéma nous permet de souligner l’enjeu que constitue la mise en pots pour les apiculteurs et notamment ceux dont la récolte excède plusieurs tonnes : l’équipement dans une station complète (dosage, fermeture et étiquetage du pot) constitue en effet un investissement important sans doute à raisonner collectivement compte tenu de la durée de son utilisation dans le cas d’une exploitation apicole.

Si les départements ont activé le co-financement, la plupart des programmes FEADER des régions proposent des aides à la transformation à la ferme auxquels les projets de lignes de conditionnement sont éligibles.

Figure 3. Bilan des emplois et ressources pour le miel, 2018-2022

Source : données élaborées et présentées ci-avant.

Pour en savoir plus :

Auteurs : 

Jacques Combes (consultant indépendant), Cécile Ferrus (ITSAP-Institut de l’abeille)

Contact : 

cecile.ferrus(a)itsap.asso.fr

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