Les indicateurs de qualité de l'habitat des abeilles
Publié le 15/06/2025
Innovation
Partie 2 : Les facteurs de stress biotiques et chimiques
Un groupe de travail composé de salarié.es ITSAP a construit des indicateurs[1] à partir de la littérature scientifique autour des principaux facteurs connus comme influençant la santé des colonies.
Ces facteurs ont été regroupés en 2 catégories : les facteurs et conditions écologiques, qui ont été abordés dans un précédent article ; puis les facteurs de stress biotiques et chimiques, que nous aborderont dans ce second article.
Introduction
Si les facteurs présentés ici peuvent être quantifiés en les traduisant en formules mathématiques simples, l'accès aux données nécessaires à leur calcul peut en revanche s'avérer complexe. Il en va de même pour la traduction de ces facteurs en scores qui sont indiqués ci-dessous à titre purement illustratifs. Ce défi n’enlève en rien l’importance d’adopter une approche globale pour améliorer l’implantation des ruches, tout en ouvrant les débats sur l’intérêt et la capacité de la filière apicole et de ses partenaires à générer des données capables d’améliorer l’efficience de l’apiculture, ou du moins, à créer les conditions favorables à l’émergence de ces données à court, moyen ou long terme.
Si les facteurs présentés ici peuvent être quantifiés en les traduisant en formules mathématiques simples, l'accès aux données nécessaires à leur calcul peut en revanche s'avérer complexe. Il en va de même pour la traduction de ces facteurs en scores qui sont indiqués ci-dessous à titre purement illustratifs. Ce défi n’enlève en rien l’importance d’adopter une approche globale pour améliorer l’implantation des ruches, tout en ouvrant les débats sur l’intérêt et la capacité de la filière apicole et de ses partenaires à générer des données capables d’améliorer l’efficience de l’apiculture, ou du moins, à créer les conditions favorables à l’émergence de ces données à court, moyen ou long terme.
Une fois mis à l’épreuve avec les données disponibles sur nos territoires, ces indicateurs pourraient à terme être agrégés dans un indicateur composite qui synthétiserait un ensemble de facteurs ayant un impact positif ou négatif sur la santé et la productivité des abeilles. Appliqué à un rayon de butinage autour d'un point GPS – sur l’outil BeeGIS par exemple - il permet de refléter la capacité de cette zone à soutenir une colonie d'abeilles. Un tel outil cartographique permettrait aux apiculteurs de mieux comprendre et évaluer les sites où installer leurs ruches, contribuant ainsi à une gestion plus productive et sécurisante des colonies.
Une fois mis à l’épreuve avec les données disponibles sur nos territoires, ces indicateurs pourraient à terme être agrégés dans un indicateur composite qui synthétiserait un ensemble de facteurs ayant un impact positif ou négatif sur la santé et la productivité des abeilles. Appliqué à un rayon de butinage autour d'un point GPS – sur l’outil BeeGIS par exemple - il permet de refléter la capacité de cette zone à soutenir une colonie d'abeilles. Un tel outil cartographique permettrait aux apiculteurs de mieux comprendre et évaluer les sites où installer leurs ruches, contribuant ainsi à une gestion plus productive et sécurisante des colonies.

1. Exposition aux pesticides
L'Indice de Risque Pesticide (IRP) permet d'évaluer le risque global lié à l'utilisation des pesticides dans les zones de butinage des abeilles. Il peut se calculer en faisant la somme des quantités de chaque pesticide utilisé dans la zone, multipliées par leur toxicité respective pour les abeilles (DL50, Dose létale médiane). Les pesticides peuvent provoquer une mortalité aiguë ou des effets sublétaux, tels que des altérations du comportement et de l'immunité des abeilles. Les pesticides systémiques, comme les néonicotinoïdes, peuvent migrer dans le nectar et le pollen, contaminant les ressources alimentaires des colonies (Pisa et al., 2015). Cette revue souligne par exemple l'impact néfaste des néonicotinoïdes et du fipronil sur les abeilles et d'autres invertébrés non-ciblés.

La Fréquence des Traitements Phytosanitaires (FTPS) influence fortement le risque d'exposition des abeilles et peut se calculer grâce au nombre moyen de traitement par an sur une zone donnée. Une fréquence élevée de traitements augmente la probabilité d'exposition des abeilles lors de leur activité de butinage. Les expositions répétées ont des effets cumulatifs qui affaiblissent les colonies et les rendent plus vulnérables aux pathogènes et aux stress environnementaux (David et al., 2016). David et ses collègues ont montré que la contamination des ressources florales par des mélanges complexes de néonicotinoïdes et de fongicides est fréquente en raison des traitements réguliers.

La Distance aux Zones de Traitement Intensif (DZTI) est un facteur important pour limiter l'exposition des abeilles. Il correspond à la distance moyenne entre le rucher et les parcelles à usage intensif de pesticides. Les pesticides peuvent se propager par dérive ou ruissellement, ce qui peut affecter les colonies situées à proximité. Une plus grande distance entre les ruches et les zones de traitement réduit le risque d'exposition (Krupke et al., 2012). L'étude de Krupke et ses collègues a mis en évidence les multiples voies d'exposition des abeilles, notamment par le pollen, le nectar et l'eau contaminée.

2. Pression des maladies, parasites et prédateurs
Les parasites et les maladies constituent des menaces importantes pour les colonies d'abeilles en impactant directement leur survie et leur productivité. Plusieurs indices permettent de mieux comprendre et de gérer ces pressions sanitaires afin de maintenir la vitalité des colonies.
L'Indice de Présence de Parasites (IPP) est important pour évaluer la prévalence et l'impact des parasites sur les colonies. Il peut se calculer à partir du nombre de signalements de parasites nuisibles dans la zone considérée. Des parasites, comme Varroa destructor notamment, affaiblissent les abeilles en leur prélevant des ressources vitales et en propageant des virus, ce qui augmente la mortalité des abeilles adultes et des larves (Rosenkranz et al., 2010). Cette revue de Rosenkranz et ses collègues détaille l'impact dévastateur du Varroa sur les colonies d'abeilles et met en évidence l'importance de son contrôle.

L'Historique des Epidémies Apicoles (HEA) est un autre indicateur qui peut avoir son importance en permettant d'évaluer la persistance de pathogènes dans une région donnée. Il peut se calculer à partir du nombre d’épidémies signalées sur une période définit, comme les 5 dernières années par exemple. Un historique d'épidémies apicoles indique une présence persistante de pathogènes dans une zone donnée, ce qui nécessite des mesures préventives et une vigilance plus importante pour éviter de nouvelles épidémies. L'étude de Martin-Hernández et al. (2012) porte sur la prévalence de Nosema Ceranae en montrant que sa dynamique de développement est variable d’une région à l’autre en raison de facteurs bioclimatiques plus ou moins favorables.

L'Indice de Gestion Sanitaire Locale (IGSL) évalue la qualité des pratiques sanitaires et efforts locaux qui sont mis en place pour prévenir la propagation des maladies et des parasites comme les actions collectives et les plans sanitaires régionaux. Il peut se calculer à partir de l’existence de programmes robustes de surveillance et de gestion sanitaires, de traitements collectifs et synchronisés, de formations dédiées et régulières, etc. De Carolis et al. (2023) ont montré via leur enquête que la majorité des apiculteurs interrogés (89,9 % en Amérique et 82,8 % en Europe) étaient intéressés par des formations supplémentaires en santé des abeilles et qu’ils étaient par ailleurs disposés à se connecter avec des vétérinaires spécialisés en apiculture.

L'Indice de Prédation (IP) évalue la pression exercée par les prédateurs sur les colonies d'abeilles. Le frelon asiatique (Vespa velutina) en particulier constitue une menace directe qui peut détruire les colonies ou générer un stress important qui réduit l'activité de butinage (Monceau et al., 2014). L'étude de Monceau et ses collaborateurs décrit les effets délétères du frelon asiatique sur les colonies d'abeilles en Europe et souligne l'importance de mettre en œuvre des mesures d'atténuation pour limiter l'impact de ces prédateurs invasifs. Cet indice peut se calculer à partir d’un score qualitatif basé sur la fréquence des observations de frelons dans une zone déterminée.
Conclusion
Les indices présentés dans cet article constituent une première étape vers une objectivation rigoureuse des facteurs de stress biotiques et chimiques pesant sur les colonies. S’ils nécessitent encore des données plus accessibles et mieux structurées, leur formalisation peut ouvrir la voie à des outils de diagnostic intégrables à l’échelle du territoire, avec des perspectives prometteuses pour les apiculteurs, notamment en matière d’analyse spatiale plus fine des emplacements.
En croisant les données issues du terrain, des plans sanitaires, des bases agricoles ou de la recherche participative, il devient envisageable d’améliorer l’anticipation des risques et d’outiller la filière pour une prise de décision plus éclairée.
Les indices présentés dans cet article constituent une première étape vers une objectivation rigoureuse des facteurs de stress biotiques et chimiques pesant sur les colonies. S’ils nécessitent encore des données plus accessibles et mieux structurées, leur formalisation peut ouvrir la voie à des outils de diagnostic intégrables à l’échelle du territoire, avec des perspectives prometteuses pour les apiculteurs, notamment en matière d’analyse spatiale plus fine des emplacements.
En croisant les données issues du terrain, des plans sanitaires, des bases agricoles ou de la recherche participative, il devient envisageable d’améliorer l’anticipation des risques et d’outiller la filière pour une prise de décision plus éclairée.
L’ITSAP a ici un rôle stratégique à jouer en tant que concentrateur de données issues de la filière. Des bases de données en cours de construction comme le partage de relevés de varroas phorétiques, les résultats d’analyse de pesticides, ou encore le suivi des contaminations de cires, constituent autant d’atouts futurs pour l’institut. L’ambition serait ainsi de se donner la capacité à relier les observations de terrain aux outils numériques, en facilitant la mutualisation, la visualisation et l’interprétation de ces données pour l’ensemble des acteurs.
L’ITSAP a ici un rôle stratégique à jouer en tant que concentrateur de données issues de la filière. Des bases de données en cours de construction comme le partage de relevés de varroas phorétiques, les résultats d’analyse de pesticides, ou encore le suivi des contaminations de cires, constituent autant d’atouts futurs pour l’institut. L’ambition serait ainsi de se donner la capacité à relier les observations de terrain aux outils numériques, en facilitant la mutualisation, la visualisation et l’interprétation de ces données pour l’ensemble des acteurs.
Bibliographie
• Pisa, L. W., et al. (2015). Effects of neonicotinoids and fipronil on non-target invertebrates. Environmental Science and Pollution Research, 22(1), 68-102.
• David, A., et al. (2016). Widespread contamination of wildflower and bee-collected pollen with complex mixtures of neonicotinoids and fungicides commonly applied to crops. Environment International, 88, 169-178.
• Krupke, C. H., et al. (2012). Multiple routes of pesticide exposure for honey bees living near agricultural fields. PLoS ONE, 7(1), e29268.
• Rosenkranz, P., et al. (2010). Biology and control of Varroa destructor. Journal of Invertebrate Pathology, 103, S96-S119.
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• Martín-Hernández R, Botías C, Bailón EG, Martínez-Salvador A, Prieto L, Meana A, Higes M. Microsporidia infecting Apis mellifera: coexistence or competition. Is Nosema ceranae replacing Nosema apis? Environ Microbiol. 2012 Aug;14(8):2127-38.
• De Carolis, A.; Newmark, A.J.; Kim, J.; Cazier, J.; Hassler, E.; Pietropaoli, M.; Robinette, C.; Formato, G.; Song, J. 2023. "Results of an International Survey for Risk Assessment of Honey Bee Health Concerning Varroa Management" Applied Sciences 13, no. 1: 62.
• Monceau, K., et al. (2014). Vespa velutina: a new invasive predator of honeybees in Europe. Journal of Pest Science, 87(1), 1-16.
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• Monceau, K., et al. (2014). Vespa velutina: a new invasive predator of honeybees in Europe. Journal of Pest Science, 87(1), 1-16.
Auteur :
Saad Sebti - ITSAP-Institut de l'abeille
Contact :
saad.sebti(a)itsap.asso.fr
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