Diversité des pratiques de gestion du cheptel dans les exploitations professionnelles
Publié le 17/05/2018
Technico-économie
Elevage et sélection
Conditions pédoclimatiques, ressources florales, objectifs de production : à une diversité de contextes correspond une diversité de pratiques apicoles, selon les exploitations mais aussi selon les années.
Cet article, basé sur deux projets pilotés par l’ITSAP-Institut de l’abeille, illustre la diversité des pratiques de gestion du cheptel. Le projet Durapi[1] porte sur la durabilité des exploitations apicoles professionnelles (performances sociales, environnementales, économiques), et sur les conséquences possibles des stratégies de renouvellement du cheptel sur cette durabilité. En 2016-17, deux types d’enquêtes ont été réalisées sur ces stratégies de renouvellement : une enquête en ligne (près de 350 réponses dont 166 d’apiculteurs gérant plus de 150 ruches) et 54 enquêtes présentielles, plus détaillées et réalisées notamment par les ADA partenaires et le GPGR auprès d’apiculteurs professionnels.
Cet article, basé sur deux projets pilotés par l’ITSAP-Institut de l’abeille, illustre la diversité des pratiques de gestion du cheptel. Le projet Durapi[1] porte sur la durabilité des exploitations apicoles professionnelles (performances sociales, environnementales, économiques), et sur les conséquences possibles des stratégies de renouvellement du cheptel sur cette durabilité. En 2016-17, deux types d’enquêtes ont été réalisées sur ces stratégies de renouvellement : une enquête en ligne (près de 350 réponses dont 166 d’apiculteurs gérant plus de 150 ruches) et 54 enquêtes présentielles, plus détaillées et réalisées notamment par les ADA partenaires et le GPGR auprès d’apiculteurs professionnels.
En parallèle, le réseau d’exploitations apicoles de références[2] a été mis en place en 2012 pour acquérir des références techniques et économiques sur l’apiculture professionnelle. Les données de cinq années d’enquêtes (saisons apicoles 2011 à 2015), recueillies par les ADA partenaires et le GPGR auprès de 83 exploitations différentes, représentent un total de 223 enquêtes.
Ces données illustrent notamment la forte variabilité de la production de miel, élément clé du revenu de la majorité des apiculteurs, avec l’état du marché.
En parallèle, le réseau d’exploitations apicoles de références[2] a été mis en place en 2012 pour acquérir des références techniques et économiques sur l’apiculture professionnelle. Les données de cinq années d’enquêtes (saisons apicoles 2011 à 2015), recueillies par les ADA partenaires et le GPGR auprès de 83 exploitations différentes, représentent un total de 223 enquêtes.
Ces données illustrent notamment la forte variabilité de la production de miel, élément clé du revenu de la majorité des apiculteurs, avec l’état du marché.
Une importante variabilité dans les rendements et dans les pertes hivernales
En 2014, les exploitations apicoles françaises de plus de 150 ruches ont produit en moyenne 14,4 kg de miel par ruche, contre 20 kg/ruche en 2016 (Figure 1, données FranceAgrimer).
Cette variabilité se retrouve à l’échelle des miellées, certaines étant connues pour être très aléatoires (sapin, acacia…). Elles impactent donc directement la production annuelle. Mais même sur les miellées plus « stables », toutes les années ne sont pas équivalentes : par exemple, le rendement moyen en châtaignier est de 10,6 kg/ruche sur les exploitations du réseau de références, mais, pour une même exploitation, l’écart moyen entre la meilleure et la pire année est de 8 kg/ruche (sur 39 exploitations enquêtées de 2 à 5 ans). Ainsi, une exploitation a produit 14 puis 6 kg/ruche de miel de châtaignier en 2011 puis 2013. Pour un miel vendu 10 € HT/kg et 50 ruches en production, cela correspond à une différence de chiffre d’affaires de 4000 € HT.
En 2014, les exploitations apicoles françaises de plus de 150 ruches ont produit en moyenne 14,4 kg de miel par ruche, contre 20 kg/ruche en 2016 (Figure 1, données FranceAgrimer).
Cette variabilité se retrouve à l’échelle des miellées, certaines étant connues pour être très aléatoires (sapin, acacia…). Elles impactent donc directement la production annuelle. Mais même sur les miellées plus « stables », toutes les années ne sont pas équivalentes : par exemple, le rendement moyen en châtaignier est de 10,6 kg/ruche sur les exploitations du réseau de références, mais, pour une même exploitation, l’écart moyen entre la meilleure et la pire année est de 8 kg/ruche (sur 39 exploitations enquêtées de 2 à 5 ans). Ainsi, une exploitation a produit 14 puis 6 kg/ruche de miel de châtaignier en 2011 puis 2013. Pour un miel vendu 10 € HT/kg et 50 ruches en production, cela correspond à une différence de chiffre d’affaires de 4000 € HT.
Pour maximiser la production, le maintien de colonies performantes et en nombre est une priorité pour les apiculteurs. Or, ces colonies subissent des pressions importantes (stress biologiques, chimiques…) qui peuvent impacter fortement leur état. Dans le réseau d’exploitations de référence, les pertes hivernales sont en moyenne de 17 % du cheptel hiverné sur 2011 à 2015, mais la variabilité d’une année à l’autre est fréquemment de plus de 10 points. Les pertes hivernales peuvent ainsi passer de 20 à 30 % du cheptel hiverné pour une même exploitation selon les années, l’écart maximum observé étant de 35 points. Des pertes en saison s’ajoutent à ces pertes hivernales.
Pour maximiser la production, le maintien de colonies performantes et en nombre est une priorité pour les apiculteurs. Or, ces colonies subissent des pressions importantes (stress biologiques, chimiques…) qui peuvent impacter fortement leur état. Dans le réseau d’exploitations de référence, les pertes hivernales sont en moyenne de 17 % du cheptel hiverné sur 2011 à 2015, mais la variabilité d’une année à l’autre est fréquemment de plus de 10 points. Les pertes hivernales peuvent ainsi passer de 20 à 30 % du cheptel hiverné pour une même exploitation selon les années, l’écart maximum observé étant de 35 points. Des pertes en saison s’ajoutent à ces pertes hivernales.
Figure 1 : Rendement en miel moyen de 2010 à 2016 en France métropolitaine pour les exploitations apicoles de plus de 150 ruches. D’après FranceAgriMer, 2012-2017
Quelles adaptations ?
Dans ce contexte de mortalités et d’une disponibilité des ressources variables, différents leviers sont mobilisés par les apiculteurs dans la gestion du cheptel : adaptation du parcours de transhumances, renouvellement des colonies et des reines, gestion sanitaire, nourrissement, sélection…
Dans ce contexte de mortalités et d’une disponibilité des ressources variables, différents leviers sont mobilisés par les apiculteurs dans la gestion du cheptel : adaptation du parcours de transhumances, renouvellement des colonies et des reines, gestion sanitaire, nourrissement, sélection… Un panorama des pratiques actuelles de renouvellement du cheptel, de gestion du varroa et de nourrissement est ici présenté.
Un panorama des pratiques actuelles de renouvellement du cheptel, de gestion du varroa et de nourrissement est ici présenté.
Le renouvellement des colonies et des reines
Le renouvellement du cheptel, entendu comme les pratiques de création de colonies et de gestion des reines, est un élément majeur dans la gestion d’un cheptel apicole et permet notamment de pallier aux pertes. La majorité des apiculteurs, voire la quasi-totalité parmi les professionnels, produisent leurs propres essaims. La plupart y introduit des cellules royales ou des reines fécondées, souvent élevées sur l’exploitation. La majorité des professionnels réalise également des remplacements de reines sur certaines colonies, selon l’âge de la reine, l’état de la colonie… Ils sont également nombreux à utiliser en parallèle plusieurs techniques : par exemple, introduction de cellules royales dans certains essaims et remérage naturel ou introduction de reines fécondées dans le reste ; remplacement de certaines reines par des reines fécondées et remérage naturel pour d’autres colonies.
Le renouvellement des colonies et des reines
Le renouvellement du cheptel, entendu comme les pratiques de création de colonies et de gestion des reines, est un élément majeur dans la gestion d’un cheptel apicole et permet notamment de pallier aux pertes. La majorité des apiculteurs, voire la quasi-totalité parmi les professionnels, produisent leurs propres essaims. La plupart y introduit des cellules royales ou des reines fécondées, souvent élevées sur l’exploitation. La majorité des professionnels réalise également des remplacements de reines sur certaines colonies, selon l’âge de la reine, l’état de la colonie… Ils sont également nombreux à utiliser en parallèle plusieurs techniques : par exemple, introduction de cellules royales dans certains essaims et remérage naturel ou introduction de reines fécondées dans le reste ; remplacement de certaines reines par des reines fécondées et remérage naturel pour d’autres colonies.
Cette diversité de pratiques permet de s’adapter à la période de l’année, aux conditions climatiques, aux reines disponibles ou encore à l’état des colonies.
Ces pratiques sont également variables d’une année à l’autre, pour s’adapter aux spécificités de l’année (conditions climatiques, ressources, disponibilité en reines…) et éventuellement pour pallier à des pertes particulièrement importantes. Dans ce dernier cas, différentes stratégies sont possibles, notamment l’achat de cheptel demandant une mobilisation de trésorerie élevée ou l’augmentation du nombre d’essaims créés, parfois au détriment de la production de miel.
Cette diversité de pratiques permet de s’adapter à la période de l’année, aux conditions climatiques, aux reines disponibles ou encore à l’état des colonies.
Ces pratiques sont également variables d’une année à l’autre, pour s’adapter aux spécificités de l’année (conditions climatiques, ressources, disponibilité en reines…) et éventuellement pour pallier à des pertes particulièrement importantes. Dans ce dernier cas, différentes stratégies sont possibles, notamment l’achat de cheptel demandant une mobilisation de trésorerie élevée ou l’augmentation du nombre d’essaims créés, parfois au détriment de la production de miel.
La lutte contre varroa
Pour limiter les affaiblissements et les pertes que peut entraîner une infestation non maîtrisée par varroa, la lutte contre ce parasite est un autre élément clé de gestion du cheptel. Les médicaments disponibles comme les autres méthodes de lutte sont en constante évolution.
La lutte contre varroa
Pour limiter les affaiblissements et les pertes que peut entraîner une infestation non maîtrisée par varroa, la lutte contre ce parasite est un autre élément clé de gestion du cheptel. Les médicaments disponibles comme les autres méthodes de lutte sont en constante évolution.
Parmi les 67 exploitations enquêtées au moins deux années dans le réseau de références, 73 % font évoluer leurs pratiques de lutte d’une année à l’autre pour les raisons suivantes :
•Adaptation à une pression plus ou moins importante;
•Test de traitements alternatifs (nouveaux médicaments, recherche de médicaments plus efficaces/moins nocifs…);
•Alternance des traitements pour éviter l’apparition de résistances;
•Adaptation aux contraintes de la saison (calendrier de production, météo…).
Parmi les 67 exploitations enquêtées au moins deux années dans le réseau de références, 73 % font évoluer leurs pratiques de lutte d’une année à l’autre pour les raisons suivantes :
•Adaptation à une pression plus ou moins importante;
•Test de traitements alternatifs (nouveaux médicaments, recherche de médicaments plus efficaces/moins nocifs…);
•Alternance des traitements pour éviter l’apparition de résistances;
•Adaptation aux contraintes de la saison (calendrier de production, météo…).
LE NOURRISSEMENT
Le nourrissement[3] des colonies peut représenter une charge importante pour les exploitations professionnelles. Dans le réseau d’exploitations de références, sa part dans les charges (hors amortissements et frais financiers) est en moyenne de 9,5 % (7,5 % en médiane), pour une quantité moyenne de 6,3 kg de sucre par colonie hivernée (5,8 en médiane). Ces chiffres dépendent bien sûr fortement de la localisation de l’exploitation, de ses productions, du renouvellement du cheptel, et de l’année.
En effet, le nourrissement est rarement pratiqué de manière systématique et les écarts interannuels sont importants : sur 60 apiculteurs, 36 ont des écarts de plus de 2 kg par colonie hivernée d’une année à l’autre (Figure 2), cet écart pouvant atteindre 10 kg.
Le nourrissement[3] des colonies peut représenter une charge importante pour les exploitations professionnelles. Dans le réseau d’exploitations de références, sa part dans les charges (hors amortissements et frais financiers) est en moyenne de 9,5 % (7,5 % en médiane), pour une quantité moyenne de 6,3 kg de sucre par colonie hivernée (5,8 en médiane). Ces chiffres dépendent bien sûr fortement de la localisation de l’exploitation, de ses productions, du renouvellement du cheptel, et de l’année.
En effet, le nourrissement est rarement pratiqué de manière systématique et les écarts interannuels sont importants : sur 60 apiculteurs, 36 ont des écarts de plus de 2 kg par colonie hivernée d’une année à l’autre (Figure 2), cet écart pouvant atteindre 10 kg.
Ces variations impactent directement les charges : par exemple, 3,5 kg de sucres en plus par colonie hivernée représentent une augmentation de charges de près de 1000 € pour un cheptel de 400 colonies.
Ces adaptations de pratiques d’une année à l’autre permettent, dans une certaine mesure, de faire face aux nombreuses incertitudes qui pèsent sur l’activité apicole. Cependant, ces changements peuvent impliquer une réorganisation ou une augmentation du temps de travail, ainsi que des charges économiques supplémentaires. Le changement climatique risque à l’avenir d’impacter le contexte de production, et notamment d’augmenter la variabilité de la production. Il semble donc indispensable de mieux connaître la diversité des pratiques apicoles ainsi que les conséquences potentielles des changements de pratiques, pour permettre de maintenir une apiculture viable et vivable.
Ces variations impactent directement les charges : par exemple, 3,5 kg de sucres en plus par colonie hivernée représentent une augmentation de charges de près de 1000 € pour un cheptel de 400 colonies.
Ces adaptations de pratiques d’une année à l’autre permettent, dans une certaine mesure, de faire face aux nombreuses incertitudes qui pèsent sur l’activité apicole. Cependant, ces changements peuvent impliquer une réorganisation ou une augmentation du temps de travail, ainsi que des charges économiques supplémentaires. Le changement climatique risque à l’avenir d’impacter le contexte de production, et notamment d’augmenter la variabilité de la production. Il semble donc indispensable de mieux connaître la diversité des pratiques apicoles ainsi que les conséquences potentielles des changements de pratiques, pour permettre de maintenir une apiculture viable et vivable.
Figure 2 : Ecart interannuel maximal observé (en kg équivalent sucres par colonie hivernée)
Références
[1] 2016-2019, projet CASDAR en partenariat avec : ADA Occitanie, ADAPI, ADAPIC, ADA AURA, ADAAQ, le GPGR, ADA France, INRA (Abeilles & environnement et Ecodéveloppement), IRSTEA, IDELE-Institut de l’élevage
[2] Projet financé par FranceAgriMer et par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, en partenariat avec : ADAAQ, ADA AURA (ex- ADAA et ADARA), ADA Bourgogne, ADA FC, ADA-Occitanie (ex- ADAPRO-LR et ADAM), ADAPI, ADAPIC, AOP Miel de Corse, APPNP, GIE Bretagne, GPGR et IDELE-Institut de l’élevage
[3] L’apport glucidique sert principalement à compléter les réserves hivernales des colonies, éventuellement à stimuler les colonies ou essaims, ou lors de disettes.
[1] 2016-2019, projet CASDAR en partenariat avec : ADA Occitanie, ADAPI, ADAPIC, ADA AURA, ADAAQ, le GPGR, ADA France, INRA (Abeilles & environnement et Ecodéveloppement), IRSTEA, IDELE-Institut de l’élevage
[2] Projet financé par FranceAgriMer et par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, en partenariat avec : ADAAQ, ADA AURA (ex- ADAA et ADARA), ADA Bourgogne, ADA FC, ADA-Occitanie (ex- ADAPRO-LR et ADAM), ADAPI, ADAPIC, AOP Miel de Corse, APPNP, GIE Bretagne, GPGR et IDELE-Institut de l’élevage
[3] L’apport glucidique sert principalement à compléter les réserves hivernales des colonies, éventuellement à stimuler les colonies ou essaims, ou lors de disettes.
Plus d’informations sur les résultats du réseau d’exploitation de références et du projet Durapi :
Plus d’informations sur les résultats du réseau d’exploitation de références et du projet Durapi :
•Projet financé par FranceAgriMer et par le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, en partenariat avec : ADAAQ, ADA AURA (ex-ADAA et ADARA), ADA Bourgogne, ADA FC, ADA-Occitanie (ex-ADAPRO-LR et ADAM), ADAPI, ADAPIC, AOP Miel de Corse, APPNP, GIE Bretagne, GPGR et IDELE-Institut de l'élevage
•L'apport glucidique sert principalement à compléter les réserves hivernales des colonies, éventuellement à stimuler les colonies ou essaims, ou alors de des disettes.
•2016-2019, projet CASDAR en partenariat avec: ADA Occitanie, ADAPIE, ADAPIC, ADA AURA, ADAAQ, le GPGR, ADA France, INRA (Abeilles & environnement et Ecodéveloppement), IRSTEA, IDELE-Institut de l'élevage
•Projet financé par FranceAgriMer et par le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, en partenariat avec : ADAAQ, ADA AURA (ex-ADAA et ADARA), ADA Bourgogne, ADA FC, ADA-Occitanie (ex-ADAPRO-LR et ADAM), ADAPI, ADAPIC, AOP Miel de Corse, APPNP, GIE Bretagne, GPGR et IDELE-Institut de l'élevage
•L'apport glucidique sert principalement à compléter les réserves hivernales des colonies, éventuellement à stimuler les colonies ou essaims, ou alors de des disettes.
Rédaction :
Félicie Aulanier (ITSAP), Coline Kouchner (INRA / ITSAP)
Le réseau d’exploitations de références et le projet Durapi impliquent de nombreux partenaires qui contribuent à ces résultats :
Réseau d’exploitations de références : réseau des ADA et le GPGR, IDELE-Institut de l’Elevage
Durapi : ADA Occitanie, ADAPI, ADAPIC, ADAAQ, ADA AURA, GPGR, ADA France, IDELE-Institut de l’Elevage, IRSTEA, INRA Ecodéveloppement, INRA Abeilles et Environnement.
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