Sélection génétique, sélection génomique, OMG : Y voir plus clair

Publié le 14/06/2015

Elevage et sélection

L’implication relativement récente de l’INRA et de l’ITSAP – Institut de l’abeille sur la thématique « génétique de l’abeille » semble mériter quelques précisions sur les perspectives des travaux en cours.

Ce texte rappelle quelques notions importantes pour aborder sereinement ce sujet et replace la démarche proposée par les instituts techniques et scientifiques dans ce contexte.

Quelques notions importantes

La sélection génétique / sélection génomique

La sélection génétique, qu’elle soit réalisée avec les outils classiques (performances et généalogies) ou de la génomique, consiste simplement à choisir des reproducteurs permettant d’avoir des descendances dont les caractéristiques ou les performances correspondent aux aptitudes que l’on recherche, individuellement ou collectivement. C’est ainsi ce que tout éleveur pratique depuis que les espèces d’intérêt agronomique ont été domestiquées. Pendant longtemps, ce choix a été réalisé de façon relativement empirique sur la base de performances et de caractéristiques morphologiques. Depuis quelques dizaines d’années, les éleveurs sélectionneurs utilisent des critères de sélection plus sophistiqués (indices de sélection calculés de manière statistique à partir des performances (phénotypes) et des généalogies des animaux), mais le principe de base (choix des meilleurs reproducteurs en fonction des aptitudes recherchées) reste le même.

La sélection assistée par marqueurs consiste à utiliser des marqueurs génétiques (succession plus ou moins longue d’une séquence d’acide nucléique du génome) que l’on sait associés à de plus ou moins bonnes performances pour identifier et sélectionner les futurs reproducteurs avant de les mesurer et gagner ainsi du temps ou économiser le cout de la mesure pour des caractères complexes. Les marqueurs génétiques sont utilisés depuis de nombreuses années en apiculture.

Par exemple, suite aux travaux du CNRS et de l’INRA des années 1990, les apiculteurs souhaitant s’assurer de la pureté de leurs colonies peuvent sélectionner ainsi les colonies présentant les allèles de marqueurs génétiques correspondant aux origines qu’ils souhaitent conserver.

La sélection génomique n’est que l’évolution de cette sélection assistée par marqueurs génétiques. Elle utilise un nombre de marqueurs beaucoup plus important ce qui permet de couvrir de façon nettement plus précise le génome et offre par exemple la possibilité de sélectionner des animaux sur des critères qui étaient auparavant difficiles ou coûteux à mesurer. L’analyse moléculaire du génome ne manipule pas le vivant mais délivre une information permettant de prédire un phénotype ou de sélectionner des reproducteurs. Bien que cette piste de recherche soit actuellement suivie par tous les instituts s’intéressant à la recherche appliquée en apiculture (Allemands, Américains, Canadiens, Suisses, Italiens…), son intérêt pour la sélection des populations d’abeilles demande encore à être précisé. De telles perspectives ont un préalable indispensable qui est l’acquisition de phénotypes sur de nombreuses colonies.

Brevetage du vivant et apiculture

Breveter un animal, tel que l’abeille, est actuellement impossible, de la même manière qu’il n’y a pas de propriété privée sur le génome animal. Ces règles sont valables y compris dans les filières où la valeur économique de la sélection est très élevée, telle que la filière bovine.

Il ne peut y avoir de brevet en sélection animale que sur des méthodes et des outils utilisés pour la sélection, et non sur des gènes. Par exemple, le génotypage d’un marqueur moléculaire lié à une résistance à une maladie peut être breveté pour son utilisation en sélection, comme toute autre méthode de mesure utilisant un appareillage précis et défini. Mais c’est la méthode qui est brevetée, et non le gène en lui-même. Ainsi, si cela se produit dans les prochaines années chez l’abeille avec des marqueurs de résistance à varroa, les apiculteurs resteraient libres de sélectionner des abeilles résistances par une autre méthode de sélection.

C’est uniquement s’ils utilisent la méthode brevetée qu’ils devront se soumettre aux modalités d’utilisation du brevet. Dans les autres filières, souvent une société disposant d’une licence d’exploitation du brevet propose d’appliquer les marqueurs sur les animaux des producteurs en prestation de service.

Dans d’autres filières animales (cas notamment des volailles), les voies de protection du travail de sélection des grandes sociétés privées de sélection animale ne sont pas basées sur le brevetage des animaux mais utilisent d’autres mécanismes : diffusion d’un seul sexe des lignées sélectionnées, diffusion de produits croisés (hybrides). De telles solutions sont difficilement envisageables chez l’abeille à grande échelle mais, même si cette possibilité existe, cela ne remet pas en cause le droit de tout apiculteur d’élever les abeilles qu’il souhaite utiliser.

Différencier connaissance du génome et manipulation génétique

Manipulation génétiques (OGM, clonage) et génétique moléculaire sont 2 disciplines aux compétences et aux technologies différentes. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont issus d’une manipulation biotechnologique du vivant, en général le rajout de gènes dans un individu à un stade précoce de développement. L’analyse moléculaire du génome quant à elle est uniquement une description qui délivre une information permettant de mieux comprendre le fonctionnement d’un organisme, prédire un phénotype ou sélectionner des reproducteurs.

Il est parfois indiqué que l’analyse moléculaire du génome de l’abeille aboutira à la conception d’OGM. Mais ces 2 orientations sont clairement indépendantes d’un point de vue méthodologique. En effet, il n’est pas nécessaire de connaitre l’intégralité du génome d’un individu pour réaliser un OGM. Pour l’illustrer, on peut noter que la première souris transgénique a été produite en 1982 alors que le génome n’a été publié qu’en 2002. Pour les espèces d’élevage, en terme de manipulation génétique, la brebis clone Dolly date de 1996 alors que le séquençage (et encore partiel) de l’espèce n’a été réalisé qu’en 2008.

Quelles applications aujourd’hui

Les travaux menés depuis une dizaine d’années par l’ITSAP et l’INRAe ont débouché sur plusieurs avancées majeures :

Des outils de caractérisation génétique (origine des reines mais aussi proximité génétique et consanguinité) sont ainsi disponibles pour tous les apiculteurs souhaitant faire analyser leurs colonies sur ces paramètres.

L’amélioration de ces outils afin de déterminer l’efficacité des zones de fécondation et connaitre les faux bourdons accouplés aux reines installée est en cours et devrait aussi être proposé aux apiculteurs dans les prochaines années

La recherche de marqueurs génétiques de la résistance à varroa a permis d’en détecter plusieurs à travers différents projets de recherche en France ou à l’étranger (ref jeudi PrADE résistance varroa et / ou synthèse beestrong finale). Malheureusement, ces marqueurs sont à la fois spécifiques de certaines populations et expliquent une part relativement faible de la variabilité génétique des caractères. Pour ces raisons, une diffusion à l’ensemble de la filière n’aurait pas de sens économique à l’heure actuelle mais des travaux complémentaires sont toujours en cours pour améliorer ces résultats et pouvoir proposer de tels outils aux apiculteurs.

Il est important de rappeler que les instituts n’ont pas vocation à imposer des changements à une filière et que toute décision repose uniquement sur les acteurs de celle-ci. La mise en œuvre d’éventuels nouveaux outils dépendra toujours de la volonté des apiculteurs, maîtres d’œuvres de la sélection.

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