Marché français du miel en 2020 : l'heure du bilan

Publié le 03/03/2022

Qualité des produits

Une année exceptionnelle à tous points de vue

Le panorama des flux de miel en France témoigne à la fois d’un disponible « apparent » record et d’une dynamisation sans précédent de certains débouchés pour le miel français, à l’image des ventes directes ou des magasins spécialisés. Nous tenterons dans ce dernier volet consacré au Marché du miel français en 2020 de dresser les grands enseignements d’une année qui restera à marquer d’une pierre blanche.

La figure 1 présente une synthèse complète des flux en fonction de l’origine des miels (récolte française ou importations). Si l’on s’intéresse aux débouchés principaux, la grande distribution représente le principal circuit de vente du miel pour l’année 2020, soit 22 000 tonnes, avec un approvisionnement en majorité via les conditionneurs. Viennent ensuite les ventes directes avec 14 000 tonnes, dont le poids relatif très important est une des particularités de cette filière apicole française, et qui ont bénéficié là-aussi d’une belle dynamique.

La restauration, l’industrie agro-alimentaire, les cosmétiques et autres secteurs représentent en cumul près de 10 000 tonnes. Autre circuit qui connaît une forte hausse de ses ventes, les magasins spécialisés, dont le tonnage avoisine les 9 000 tonnes en 2020. En revanche, les exportations qui captent un peu moins de moins de 4 000 tonnes ont accusé une baisse cette même année.

Figure 1 : Principaux flux en fonction de l’origine du miel et poids relatif des différents débouchés en 2020

Les ventes directes, 1er débouché de la production française

En 2020, le premier débouché des miels français est constitué par les ventes directes pour un volume estimé à 14 000 tonnes. Ces ventes directes de la production française peuvent être complétées par des miels d’importation dans des proportions variables en fonction des années. L’enjeu est double pour les apiculteurs vis-à-vis du client/consommateur : disposer d’une gamme complète et diversifiée comportant notamment des miels moins fréquents (par exemple des miels d’agrumes) et d’autre part, en fonction des aléas de la récolte, pouvoir « tenir » son marché avec les volumes nécessaires. Compte tenu de l’importance de la production nationale, ce volume de miels importés vendu en ventes directes aurait été particulièrement faible en 2020.

Les « circuits longs », par l’intermédiaire des coopératives ou via les conditionneurs, représentent le 2ème débouché des miels de l’hexagone : si, par définition, le poids relatif des miels français est dominant pour les coopératives, ils ne représentent qu’une part minoritaire des achats des conditionneurs, dont l’approvisionnement est largement dominé par les miels importés (miels de mélanges à plus forte compétitivité). Les ventes en magasins spécialisés se positionnent en troisième circuit de commercialisation. Ils sont preneurs d’une gamme élargie de produits et offrent un bon niveau de rémunération aux producteurs.

La généralisation des ventes directes aux grandes surfaces

C’est l’autre fait marquant de l’année 2020. Chaque enseigne a référencé un ou deux apiculteurs locaux pour témoigner de son ancrage local, argument porteur auprès des consommateurs. Pour être complet, il faut enfin mentionner les ventes de miels entre apiculteurs, réalisées avec des volumes très variables mais dont certains ont atteint plusieurs centaines de tonnes, certains apiculteurs étant devenus de « petits » négociants.

D’après le schéma bilan des flux (Figure 1), une interrogation subsiste cependant concernant la commercialisation de 1 000 tonnes de miels importées. On a retenu l’hypothèse fragile que ce tonnage l’a été en ventes directes. Ce chiffre estimé résulte d’autres estimations faites dans le cadre de cette étude basée, sur la « méthode des bilans ».

Le magnifique rebond de la production française

Suite à la faible production de 2019 (21 600 tonnes), la production française de miel a affiché en 2020 selon l’observatoire de FranceAgriMer un rebond tout à fait exceptionnel pour s’établir à près de 31 800 tonnes, niveau sans commune mesure avec les faibles tonnages produits en début de décennie (13 210 tonnes en 2014 par exemple).

Cette très forte abondance de miel s’est traduite par une augmentation de 5 400 tonnes de stocks chez les apiculteurs en fin d’année 2020 : le tonnage de miel français disponible à la commercialisation aurait été de l’ordre de 26 400 tonnes. Le niveau de stocks chez les conditionneurs n’est, lui, pas connu.

La qualité dynamise le marché

La segmentation de l’offre a fortement progressé en 2020. Outre les miels issus de l’agriculture biologique dont le tonnage aurait augmenté de près de 50% sous l’effet conjoint du nombre de ruches conduites en AB et de celui des rendements, les 7 autres SIQO (2 AOP, 3 IGP et 2 LR) représentent un tonnage de 1 880 tonnes, en progression de +76% en volume par rapport à 2019. Ainsi, les miels issus de l’agriculture biologique représentent un peu moins de 14% de la production nationale. Les miels produits sous référentiel des 7 autres SIQO ont un poids relatif en 2020 de 6% de la récolte française.

En termes de répartition régionale, le scénario de 2020 revient à un paysage plus classique. Les 5 régions Sud représentent 53% de la production nationale quand les 5 régions nord, centre et est, y contribue pour un tiers. Notons que ces dernières ont connu une augmentation très sensible de leur récolte (+68% par rapport à 2019). Si on sort à présent de nos frontières, les importations ont continué de croître (+6% par rapport à 2019) atteignant 34 820 tonnes, et dans le même temps les exportations ont baissé de 10%, passant sous le seuil des 4 000 tonnes. La dégradation de la balance commerciale a été sensible avec un déficit se creusant en volume de près de 2 500 tonnes.

Un disponible « apparent » record et une consommation en hausse

Malgré le stockage de 5 400 tonnes, sous l’effet conjoint d’une récolte exceptionnelle et d’importations en hausse, le volume de miel présent sur le marché français (le disponible « apparent ») a franchi un record pour s’établir à plus de 61 000 tonnes, niveau jamais atteint depuis qu’un suivi de ce marché existe. La consommation aurait été en nette augmentation pour s’établir à près de 52 000 tonnes, soit +13% par rapport à 2019. Du fait de ses composantes d’image et de ses multiples occasions de consommation, la crise du COVID 19 et ses périodes de confinement ont largement profité aux ventes de miel de toutes origines. Alors qu’elles étaient en baisse depuis plusieurs années, les ventes en hypermarchés et supermarchés ont augmenté de façon sensible : +10% en volume et +11% en valeur.

Fort d’un disponible important et d’une confiance des consommateurs concernant l’origine des miels, les circuits «magasins spécialisés» et «ventes directes» ont également tiré leur épingle du jeu avec des ventes en hausse.

Sur la base des donnée disponibles et des chiffres utilisés pour cette analyse, on peut avancer que l’année 2020 s’est avérée tout à fait exceptionnelle avec une offre très abondante et une demande extrêmement dynamique, aubaine de la crise sanitaire mais aussi résultats des composantes d’image du miel et de sa valeur d’usage. Pour autant, nous devons nuancer cet enthousiasme. Ce scénario reste bien spécifique et ne saurait malheureusement constituer les bases d’une prospective optimiste pour la filière.

Auteurs : 

Jacques Combes - consultant indépendant

Cécile Ferrus - ITSAP-Institut de l’abeille

Contact : 

cecile.ferrus(a)itsap.asso.fr

Source photo : 

SYMPAS (Syndicat des miels de Provence et des Alpes du Sud)

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