Lutte contre Varroa : détecter au plus tôt pour intervenir efficacement

Publié le 13/02/2019

Maladies, prédateurs

Retour sur un atelier de l’ITSAP lors du congrès de Rouen.

L’ITSAP-Institut de l’abeille était présent au congrès international d’apiculture et d’apithérapie de Rouen, organisé par le Syndicat National d’Apiculture, avec le Syndicat Apicole de Haute Normandie et l’Association Francophone d’Apithérapie. A cette occasion, l’ITSAP a tenu sur son stand un atelier consacré à la « Lutte contre Varroa : détecter au plus tôt pour intervenir efficacement » auquel a assisté une vingtaine d’apiculteurs.

L’occasion de rappeler qu’en absence de médicament efficace à 100% et sous la menace de ré invasion ou d’efficacités variables en apiculture « AB », seul un suivi du niveau d’infestation à des périodes clés de la saison apicole permet une vision claire de la situation à partir de laquelle l’apiculteur pourra développer une gestion adaptée du parasite.

Evaluer le niveau d’infestation 
de ses colonies : des méthodes pratiques à choisir en fonction 
de la situation

Dans un premier temps, les méthodes d’estimation du niveau d’infestation des colonies en varroas ont été décrites en indiquant les avantages et inconvénients de chacune (tableau 1) et le matériel nécessaire à leur mise en œuvre a été présenté [1]. Le suivi des chutes de varroas sur un lange placé sous le fond grillagé de la ruche dépend de plusieurs facteurs : mortalité naturelle des acariens mais aussi comportement d’épouillage et de nettoyage des ouvrières ou encore… traitement acaricide. Le suivi doit être réalisé sur au moins deux semaines consécutives pour « lisser » les variations de chutes observées d’une semaine à l’autre. La grille Vareval [2] facilite et accélère le dénombrement sur langes en cas de forte densité d’acariens : elle permet de réduire la surface à observer et elle fournit un repère de lecture du lange. La méthode de comptage des chutes sur lange est employée pour les suivis précoces à faible niveau d’infestation (estimation de la croissance de la population en varroas comme critère de sélection [3]) ou pour le dénombrement exact des chutes afin d’estimer l’efficacité d’un traitement acaricide (expérimentation ou suivi d’efficacité de médicaments).

L’estimation du niveau d’infestation de la colonie par lavage d’un échantillon d’ouvrières permet une évaluation en temps réel de la pression parasitaire (proportion d’abeilles porteuses de varroas phorétique indiqué en VP/100 ab). Il ne s’agit plus d’une estimation de la quantité totale de varroas de la colonie mais d’un ratio entre le nombre d’acariens et la quantité d’ouvrières prélevées, correspondant à une pression parasitaire. Le lavage d’abeilles nécessite simplement de disposer d’un « shaker » que l’on trouve dans le commerce mais qui peut être bricolé à partir d’un pot de miel dont le couvercle est muni d’un grillage adéquate, semblable à celui équipant les planchers grillagés. La méthode est décrite dans plusieurs fiches techniques éditées par les ADA ou par l’ITSAP [4]. Cette méthode, rapide à mettre en œuvre, permet ainsi d’obtenir en temps réel un indicateur d’infestation de la colonie et elle est employée pour les suivis d’infestation ponctuels ou réguliers afin d’obtenir des références ou lors d’expérimentations.

Les interventions contre varroa sont réalisées à l’échelle du rucher : il est conseillé de traiter toutes les colonies du rucher de la même façon et au même moment. D’une part, une intervention au cas par cas nécessite d’estimer le niveau d’infestation de toutes les colonies du rucher ce qui n’est pas toujours réalisable. D’autre part l’emploi des médicaments est systématiquement préconisé pour l’ensemble des ruches d’un rucher afin de ne pas laisser de colonie infestée comme source de ré invasion.

Enfin lorsque le traitement consiste en la vaporisation de la substance active dans l’atmosphère de la ruche (cas du thymol ou de l’acide formique) il peut provoquer une agitation des abeilles et de la dérive vers les ruches non traitées.

Tableau 1 : Synthèse des avantages et inconvénients des méthodes de suivi d’infestation (repris de Vallon et al., 2016)

L’importance de l’anticipation dans la gestion de varroa : connaitre les risques de développement de l’infestation pour éviter d’intervenir en saison.

Le développement de la population de parasite au cours de la saison apicole est lié à deux facteurs : la quantité d’acariens à l’origine du développement de la parasitose et la durée pendant laquelle cette population peut se développer (donc la précocité de présence de couvain, indispensable à la reproduction des varroas). Une colonie trop infestée et affaiblie sera plus sensible aux stress et perdra de son potentiel de production. Ainsi les colonies dépassant le seuil de 3 VP/100 abeilles ont un gain de poids réduit lors de la miellée de lavandes (figure 1). A ce même niveau d’infestation, le risque de mortalité hivernale des colonies augmente (Dainat et al., 2012). La maitrise de varroa dans une colonie passe au minimum par une intervention annuelle, généralement réalisée en fin de saison et jusqu’en hiver, afin de réduire le nombre de parasite en dessous du seuil communément admis de cinquante varroas par colonie en début de saison suivante (figure 2).

Au-delà, la modélisation du développement du nombre de varroas dans la colonie prédit un risque de dépasser un niveau d’infestation critique dans un laps de temps inférieur à celui d’une saison apicole. Il sera donc théoriquement nécessaire d’intervenir avant la fin de la période de production. Or l’emploi des médicaments est préconisé en dehors des périodes de production, au risque d’obtenir des résidus de traitement dans les produits de la ruche. L’essentiel des interventions sera concentré dans cette période sans production entre la fin de la saison (intervenant de la mi-juillet à la fin septembre selon les régions et l’existence de miellées tardives) et la reprise de printemps.

Le parasitisme du couvain conduit à une durée de vie réduite des ouvrières et un appauvrissement de la qualité de leur gelée nourricière. La stratégie classique de gestion du parasite consiste à intervenir dès la fin de la saison de production pour réduire au maximum l’infestation des colonies et permettre à des ouvrières déparasitées d’élever un couvain sain constituant une population à même d’affronter l’hiver. Les colonies doivent donc disposer des conditions nécessaires pour produire encore plusieurs générations d’abeilles avant de se mettre au repos pour l’hiver.

Si l’efficacité de cette intervention ne permet pas de réduire significativement l’infestation des colonies, un traitement complémentaire en hiver peut être réalisé pour réduire l’infestation en dessous du seuil critique de début de saison. En effet, à cette période les colonies sont généralement dépourvues de couvain et les varroas présents sur les ouvrières sont plus exposés aux traitements.

Tableau 2 : Echantillonnage d’un rucher pour déterminer un indicateur moyen d’infestation (d’après Lee et al., 2010).

Figure 1 : Lien entre performance et charge en varroas (VP / 100 abeilles) lors de l’observatoire de la miellée de lavande (APIMODEL 2009-2016). © INRA, A. Kretzschmar.

Figure 2 : Evolution du critère d’infestation « VP/100 abeilles » au cours de la saison (moyennes des chutes quotidiennes au cours du temps obtenues sur le cheptel de la station expérimentale ITSAP) et calendrier des interventions possibles contre varroa. CN/j : chute naturelle quotidienne.

Les moyens de lutte disponibles : choisir entre médicaments et interventions biotechniques selon la situation et l’efficacité recherchée.

Les médicaments ayant une autorisation de mise sur le marché en France pour lutter contre varroa sont au nombre de douze (tableau 3). Aujourd’hui tous les médicaments vétérinaires sont disponibles sans ordonnance auprès de votre pharmacie ou de votre vétérinaire habituel. Le choix du traitement employé sera réalisé en fonction de plusieurs critères : le cahier des charges de l’agriculture biologique autorisant certaines substances actives, les risques de résistance aux acaricides et le besoin d’alternance dans l’emploi des substances actives ; le niveau d’efficacité exigé et les conditions d’emploi du médicament (températures adéquates, absence de couvain).

En particulier l’utilisation d’acide oxalique pour traiter les colonies nécessite l’absence complète de couvain au risque de conserver une population de varroas de plusieurs centaine d’individus malgré le traitement (Willener et al., 2016). De la même façon, l’emploi des médicaments à base de thymol ou d’acide formique est contraint par les températures nécessaires pour la vaporisation du principe actif dans la ruche et ne peuvent être employés à des températures trop faibles au risque d’une perte d’efficacité.

En cas de varroas résiduels surnuméraires à l’issue de l’hiver quelles sont les interventions possibles sur les colonies ? Le réseau des Associations de Développement de l’apiculture et l’ITSAP-Institut de l’abeille ont testé des interventions en cours de saison afin d’observer leur effet sur les populations de parasites mais aussi sur le développement et la productivité des colonies. L’emploi d’acide oxalique en présence de couvain, même de façon répétée à plus ou moins courte échéance ne permet pas de réduire l’infestation des colonies. L’emploi d’acide oxalique après retrait du couvain, du piégeage dans le couvain de mâles ou l’emploi d’acide formique (MAQS®) permettent de réduire l’infestation pendant plusieurs mois en saison sans que cet effet ne perdure jusqu’en fin d’été. Attention cependant aux risques d’augmentation de la teneur du miel récolté en acide formique et au retard de développement des colonies suite au retrait de couvain (pour l’emploi d’acide oxalique) engendré par ces pratiques.

Les varroas sont plus attirés par les cellules de couvain de mâles dont la durée d’operculation (plus longue que celle des cellules d’ouvrières) permet une meilleure fécondité des parasites. Ainsi ce couvain peut être désoperculé au printemps pour évaluer sommairement le risque varroa. L’emploi d’un cadre à mâles en bordure de couvain (ou la mise en place d’un cadre de hausse au bas duquel les ouvrières vont bâtir des cellules de mâles) constitue ainsi un piège naturel permettant d’exporter régulièrement des varroas hors de la ruche. Cependant les cadres ou portions de brèches doivent être retirés avant que le couvain n’émerge (soit avant 24 jours après la ponte), sans quoi l’opération favorisera la reproduction des parasites au lieu de la freiner ! La destruction du couvain n’est cependant pas autorisée en apiculture AB.

Tableau 3 : Liste et caractéristiques des médicaments vétérinaires disposant d’une AMM en France (tiré de Vallon et Wendling, 2017). Les efficacités moyennes présentées sont issues de différentes expérimentations réalisées par les associations de développement de l’apiculture (ADA) entre 2005 et 2016 sous la coordination de l’ITSAP-Institut de l’abeille. Il est nécessaire de rajouter à cette liste l’Oxybee® (acide oxalique en poudre et solution pour sirop) qui a obtenu son AMM en février 2018.

Conclusion

La gestion et la maitrise du varroa doit être réfléchie selon l’itinéraire technique et des besoins des colonies. Les apiculteurs ne disposent pas de solution efficace à 100% et la réussite du traitement d’hiver est aujourd’hui la meilleure garantie pour la maitrise de varroa. Le suivi de la pression parasitaire est donc indispensable pour évaluer la nécessité d’une intervention ou sa réussite et plus globalement définir une stratégie de lutte pour assurer l’élevage de colonies saines et productives. Vous réalisez un suivi d’infestation de vos colonies ou vous souhaitez vous y mettre ? Contactez votre ADA pour communiquer vos résultats !

[1] La description de ces méthodes est présentée dans le document « Principes de mise en œuvre des outils de suivi de l’infestation en Varroa dans les colonies d’abeilles » (Vallon et al., 2016) à l’occasion de l’Atelier du CIAG à Avignon le 15 novembre 2016.

[2] Pour plus d’information sur la grille Vareval : voir le site

Bibliographie

Dainat B., Evans J.D., Chen Y.P., Gauthier L., Neumann P. (2012). Predictive Markers of HoneyBee Colony Collapse. Plos One 7: e32151.doi:10.1371/journal.pone.0032151PMID:22384162

Lee K. V., Moon R. D., Burkness E. C., Hutchison W. D and Spivak M. (2010) Practical Sampling Plans for Varroa destructor (Acari: Varroidae) in Apis mellifera (Hymenoptera: Apidae) Colonies and Apiaries, Journal Of Economic Entomology. 103 (4), 1039-1050

Vallon J., Mondet F., Beguin M., Kretzschmar A., Le Conte Y. (2016) Principes de mise en œuvre des outils de suivi de l’infestation en Varroa dans les colonies d’abeilles. Fiche atelier CIAG, 3p.

Vallon J., Wendling S. (2017) De la surveillance individuelle à la surveillance collective : connaitre le niveau d’infestation des colonies d’abeilles mellifères par Varroa destructor pour optimiser et rationaliser la lutte. Bulletin Epidémiologique santé animale et alimentation. N°81 numéro spécial abeilles. P 52-59.

Willener A., Dietemann V., Grosjean J., Charrière J.D. (2016). Présence de varroa dans le couvain d’hiver et impact sur les traitements. Revue Suisse d’apiculture n°10. p. 25-28.

Auteur : 

Julien Vallon

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