Les zones de butinage : vers un sanctuaire pour les pollinisateurs ?
Publié le 05/09/2022
Stress chimiques
La réglementation visant à préserver les abeilles des risques d’intoxication vient d’être une nouvelle fois modifiée. Les réflexions aboutissant à ces changements ont été conduites dans le cadre du Plan pollinisateurs 2021-2026 avec l’objectif de réviser les conditions d’emploi des pesticides lorsque ceux-ci sont appliqués sur des plantes en fleur.
Ces évolutions sont issues d’un long cheminement législatif qui a débuté en 1916 lorsque l’emploi d’arsenic fut autorisé en agriculture (ORF du 23 septembre 1916) jusqu’à l’arrêté récent du 20 novembre 2021 qui permet des avancées certaines. On vous retrace les principales avancées permises par la loi pour protéger la santé des butineuses.
Au début du siècle dernier, quand l’arsenic reçut son agrément d’utilisation, il fut d’emblée décidé de suspendre son emploi pendant la période de floraison afin de protéger les abeilles. Mais le législateur a, par la suite, proposé des aménagements permettant aux cultivateurs d’utiliser des insecticides durant cette période. Dans un premier temps, diverses dérogations ont en effet permis à ces derniers de pulvériser des insecticides en pleine journée sur des cultures en fleurs [2]. Puis, le classement des insecticides établi selon leur toxicité a permis au législateur d’adopter vers la fin des années 1950 une approche différenciée entre insecticides dangereux ou non dangereux pour les abeilles, laissant ces derniers être employés sans restriction pendant la floraison [3]. Un artifice peu satisfaisant qui a contraint la loi à évoluer une nouvelle fois suivant le principe selon lequel, pour réduire le risque d’intoxication, il suffit que les butineuses ne soient pas directement exposées aux pulvérisations. C’est ainsi qu’apparurent à partir de 2003 des produits insecticides ou acaricides assortis de la mention « abeilles [4] ». L’attribution de cette mention était associée à l’obligation d’appliquer ces produits sur des cultures en fleurs uniquement en l’absence d’abeilles.
Au début du siècle dernier, quand l’arsenic reçut son agrément d’utilisation, il fut d’emblée décidé de suspendre son emploi pendant la période de floraison afin de protéger les abeilles. Mais le législateur a, par la suite, proposé des aménagements permettant aux cultivateurs d’utiliser des insecticides durant cette période. Dans un premier temps, diverses dérogations ont en effet permis à ces derniers de pulvériser des insecticides en pleine journée sur des cultures en fleurs [2]. Puis, le classement des insecticides établi selon leur toxicité a permis au législateur d’adopter vers la fin des années 1950 une approche différenciée entre insecticides dangereux ou non dangereux pour les abeilles, laissant ces derniers être employés sans restriction pendant la floraison [3]. Un artifice peu satisfaisant qui a contraint la loi à évoluer une nouvelle fois suivant le principe selon lequel, pour réduire le risque d’intoxication, il suffit que les butineuses ne soient pas directement exposées aux pulvérisations. C’est ainsi qu’apparurent à partir de 2003 des produits insecticides ou acaricides assortis de la mention « abeilles [4] ». L’attribution de cette mention était associée à l’obligation d’appliquer ces produits sur des cultures en fleurs uniquement en l’absence d’abeilles.
Toutefois, il semble qu’une partie des cultivateurs et de leurs conseillers ont injustement considéré cette mention comme un gage d’innocuité. De plus, ceux à qui le vrai sens de la mention n’avait pas échappé n’étaient pas nécessairement des spécialistes des abeilles et ne disposaient pas toujours de connaissances sur leur biologie pour définir et anticiper correctement les périodes durant lesquelles les butineuses sont en activité. Outre l’observation directe dans les parcelles cultivées, pour s’assurer de l’absence d’abeilles, on conseilla aux cultivateurs d’appliquer les produits uniquement lorsque la température ambiante était inférieure à 12°C. S’il est vrai qu’à cette température l’activité de butinage n’est pas à son optimum, il n’en reste pas moins qu’une partie des butineuses est active en dessous de ce seuil [5]. Le nouvel arrêté du 20 novembre 2021 tente de réviser ces dispositions en précisant notamment les plages horaires auxquelles les cultivateurs peuvent utiliser des produits phytosanitaires pendant la floraison [6]. Cet arrêté introduit également d’autres dispositions inédites, censées renforcer la protection des abeilles.
Toutefois, il semble qu’une partie des cultivateurs et de leurs conseillers ont injustement considéré cette mention comme un gage d’innocuité. De plus, ceux à qui le vrai sens de la mention n’avait pas échappé n’étaient pas nécessairement des spécialistes des abeilles et ne disposaient pas toujours de connaissances sur leur biologie pour définir et anticiper correctement les périodes durant lesquelles les butineuses sont en activité. Outre l’observation directe dans les parcelles cultivées, pour s’assurer de l’absence d’abeilles, on conseilla aux cultivateurs d’appliquer les produits uniquement lorsque la température ambiante était inférieure à 12°C. S’il est vrai qu’à cette température l’activité de butinage n’est pas à son optimum, il n’en reste pas moins qu’une partie des butineuses est active en dessous de ce seuil [5]. Le nouvel arrêté du 20 novembre 2021 tente de réviser ces dispositions en précisant notamment les plages horaires auxquelles les cultivateurs peuvent utiliser des produits phytosanitaires pendant la floraison [6]. Cet arrêté introduit également d’autres dispositions inédites, censées renforcer la protection des abeilles.
S’adapter au goût des abeilles
Les produits phytopharmaceutiques sont employés sur un grand nombre de végétaux cultivés et non cultivés au moment où ceux-ci sont occupés à fleurir. Face à la diversité de fleurs susceptibles de leur offrir nectar et pollen, les abeilles ont leur préférence et se concentrent majoritairement sur les espèces offrant des ressources en abondance et faciles d’accès.
Ce comportement a permis au législateur d’intégrer dans la loi une distinction entre des plantes qui seraient attractives pour les abeilles et celles qui ne le seraient pas. L’arrêté s’applique ainsi pour toutes les plantes cultivées et non cultivées attractives, susceptibles de constituer une zone de butinage, et exclut des cultures considérées comme non attractives.
Les produits phytopharmaceutiques sont employés sur un grand nombre de végétaux cultivés et non cultivés au moment où ceux-ci sont occupés à fleurir. Face à la diversité de fleurs susceptibles de leur offrir nectar et pollen, les abeilles ont leur préférence et se concentrent majoritairement sur les espèces offrant des ressources en abondance et faciles d’accès.
Ce comportement a permis au législateur d’intégrer dans la loi une distinction entre des plantes qui seraient attractives pour les abeilles et celles qui ne le seraient pas. L’arrêté s’applique ainsi pour toutes les plantes cultivées et non cultivées attractives, susceptibles de constituer une zone de butinage, et exclut des cultures considérées comme non attractives.
Parmi les cultures exemptées figurent les céréales à paille (avoine, blé, épeautre, orge, riz seigle, triticale, tritordeum et autres hybrides de blé), les autres cultures céréalières (hors sarrasin et maïs), les graminées fourragères (moha, ray-grass), le houblon, la lentille, les pois, la pomme de terre, le soja et la vigne.
Mais si ces plantes ne sont pas les plus appréciées des abeilles, ces dernières ne rechignent pas à butiner certaines d’entre elles lorsque la nature ne leur offre rien de mieux à l’horizon. Il est alors à espérer que les cultivateurs les plus consciencieux s’assureront, avant d’appliquer un produit phytosanitaire, que le miellat laissé par les pucerons sur les céréales à paille ou les pollens produits par les fleurs de vigne n’auront pas suscité la convoitise des abeilles.
Parmi les cultures exemptées figurent les céréales à paille (avoine, blé, épeautre, orge, riz seigle, triticale, tritordeum et autres hybrides de blé), les autres cultures céréalières (hors sarrasin et maïs), les graminées fourragères (moha, ray-grass), le houblon, la lentille, les pois, la pomme de terre, le soja et la vigne.
Mais si ces plantes ne sont pas les plus appréciées des abeilles, ces dernières ne rechignent pas à butiner certaines d’entre elles lorsque la nature ne leur offre rien de mieux à l’horizon. Il est alors à espérer que les cultivateurs les plus consciencieux s’assureront, avant d’appliquer un produit phytosanitaire, que le miellat laissé par les pucerons sur les céréales à paille ou les pollens produits par les fleurs de vigne n’auront pas suscité la convoitise des abeilles.
Les produits à risque interdits pendant la floraison
En vertu de l’arrêté du 20 novembre 2021, seuls pourront être employés, sur des plantes en fleurs dites attractives pour les abeilles, les produits pour lesquels l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) aura conclu que leur utilisation « entraîne une exposition négligeable des abeilles ou ne provoque pas d’effet inacceptable, aigu ou chronique, sur les abeilles ni d’effet sur la survie et le développement des colonies ». A bien y regarder, cette disposition n’est pas fondamentalement nouvelle puisque l’Anses se conforme déjà au règlement UE N°284/2013. Elle s’assure, selon les normes en vigueur, que les produits à base d’insecticide/acaricide, d’herbicide ou de fongicide dont elle autorise l’usage, ne présentent pas de risque inacceptable pour les colonies.
En vertu de l’arrêté du 20 novembre 2021, seuls pourront être employés, sur des plantes en fleurs dites attractives pour les abeilles, les produits pour lesquels l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) aura conclu que leur utilisation « entraîne une exposition négligeable des abeilles ou ne provoque pas d’effet inacceptable, aigu ou chronique, sur les abeilles ni d’effet sur la survie et le développement des colonies ». A bien y regarder, cette disposition n’est pas fondamentalement nouvelle puisque l’Anses se conforme déjà au règlement UE N°284/2013. Elle s’assure, selon les normes en vigueur, que les produits à base d’insecticide/acaricide, d’herbicide ou de fongicide dont elle autorise l’usage, ne présentent pas de risque inacceptable pour les colonies.
Ce règlement impose notamment qu’une évaluation du risque soit réalisée si la surface traitée possède un caractère attractif pour les abeilles en raison de la présence de cultures ou d’adventices en fleurs ou bien d’exsudats produits par les plantes et les insectes. Il exige également l’adoption de mesures de gestion du risque si celui-ci est identifié et s’avère inacceptable pour les colonies.
Dans un avis émis en 2018, l’agence a toutefois estimé que les normes d’évaluation imposées par le règlement UE N°284/2013 n’étaient pas suffisantes pour qu’elle puisse statuer sur la dangerosité d’un produit phytopharmaceutique utilisé pendant la floraison.
Ce règlement impose notamment qu’une évaluation du risque soit réalisée si la surface traitée possède un caractère attractif pour les abeilles en raison de la présence de cultures ou d’adventices en fleurs ou bien d’exsudats produits par les plantes et les insectes. Il exige également l’adoption de mesures de gestion du risque si celui-ci est identifié et s’avère inacceptable pour les colonies.
Dans un avis émis en 2018, l’agence a toutefois estimé que les normes d’évaluation imposées par le règlement UE N°284/2013 n’étaient pas suffisantes pour qu’elle puisse statuer sur la dangerosité d’un produit phytopharmaceutique utilisé pendant la floraison.
En mentionnant explicitement dans l’arrêté « l’Anses évalue les risques associés à l’utilisation du produit sur les cultures attractives en floraison » afin de statuer si « l’utilisation du produit peut être autorisée sur la culture attractive correspondante lorsqu’elle est en floraison et sur les zones de butinage », le législateur redonne la main à l’agence. Il lui offre la possibilité de réclamer aux demandeurs d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) les tests complémentaires qu’elle préconisait en 2018.
En mentionnant explicitement dans l’arrêté « l’Anses évalue les risques associés à l’utilisation du produit sur les cultures attractives en floraison » afin de statuer si « l’utilisation du produit peut être autorisée sur la culture attractive correspondante lorsqu’elle est en floraison et sur les zones de butinage », le législateur redonne la main à l’agence. Il lui offre la possibilité de réclamer aux demandeurs d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) les tests complémentaires qu’elle préconisait en 2018.
Ces tests permettront notamment au laboratoire de mieux évaluer la toxicité des produits sur les autres abeilles (bourdons, abeilles sauvages), d’examiner l’impact des produits sur des colonies d’abeilles ou bien, dans le cas des insecticides, d’évaluer l’influence de faibles doses sur les capacités de retour à la ruche des butineuses (Figure 1).
Ces tests permettront notamment au laboratoire de mieux évaluer la toxicité des produits sur les autres abeilles (bourdons, abeilles sauvages), d’examiner l’impact des produits sur des colonies d’abeilles ou bien, dans le cas des insecticides, d’évaluer l’influence de faibles doses sur les capacités de retour à la ruche des butineuses (Figure 1).

Figure 1 : Logigramme simplifié de l’évaluation du risque d’un produit phytopharmaceutique sur les abeilles pendant la floraison de plantes attractives cultivées ou non cultivées. NB : cette figure reprend des éléments de l’arbre de décision de la note d’information de l’Anses sur l’évaluation des risques pour les abeilles (note d’information sur l’évaluation des risques pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs pour les produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants dans le cadre de la réglementation européenne et en lien avec les dispositions nationales de l’arrêté du 20 novembre 2021- (version 1 – 21 mars 2022))[7]
Limiter l’exposition des butineuses
La mise en place de nouveaux filtres dans la démarche d’évaluation du risque ne garantit pas toutefois l’absolue innocuité des produits ayant obtenu l’AMM.
En effet si les tests réalisés ont montré que les produits n’induisaient pas d’effets inacceptables sur les colonies, les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas de prédire quels seront leurs effets lorsqu’ils sont combinés.
La mise en place de nouveaux filtres dans la démarche d’évaluation du risque ne garantit pas toutefois l’absolue innocuité des produits ayant obtenu l’AMM.
En effet si les tests réalisés ont montré que les produits n’induisaient pas d’effets inacceptables sur les colonies, les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pas de prédire quels seront leurs effets lorsqu’ils sont combinés.
Les résultats des analyses d’abeilles et de pollens obtenus à l’occasion d’études récentes conduites par des chambres d’agricultures, des ADA et l’ITSAP-Institut de l’abeille témoignent que les abeilles sont en effet exposées à une grande diversité de mélanges chimiques [8]. Afin de limiter l’exposition des butineuses à ces cocktails dont la composition est elle-aussi imprédictible, l’arrêté du 20 novembre 2021 impose que les traitements intervenant pendant la floraison soient réalisés en fin de journée, deux heures avant le coucher du soleil et dans les 3 heures qui lui succèdent.
Les résultats des analyses d’abeilles et de pollens obtenus à l’occasion d’études récentes conduites par des chambres d’agricultures, des ADA et l’ITSAP-Institut de l’abeille témoignent que les abeilles sont en effet exposées à une grande diversité de mélanges chimiques [8]. Afin de limiter l’exposition des butineuses à ces cocktails dont la composition est elle-aussi imprédictible, l’arrêté du 20 novembre 2021 impose que les traitements intervenant pendant la floraison soient réalisés en fin de journée, deux heures avant le coucher du soleil et dans les 3 heures qui lui succèdent.
En agissant ainsi, le législateur reprend les recommandations de l’Anses invitant à considérer la luminosité comme seul critère pertinent pour garantir l’absence d’activités des butineuses dans les zones de butinage [9] [10] . Les craintes que les abeilles soient encore de sortie lors d’un traitement réalisé 2 heures avant le coucher du soleil doivent cependant être relativisées. En effet, il ne faut pas oublier que cette nouvelle réglementation s’ajoute à une réglementation européenne qui donne aux agences de chaque état membre d’autres moyens d’actions [11].
En agissant ainsi, le législateur reprend les recommandations de l’Anses invitant à considérer la luminosité comme seul critère pertinent pour garantir l’absence d’activités des butineuses dans les zones de butinage [9] [10] . Les craintes que les abeilles soient encore de sortie lors d’un traitement réalisé 2 heures avant le coucher du soleil doivent cependant être relativisées. En effet, il ne faut pas oublier que cette nouvelle réglementation s’ajoute à une réglementation européenne qui donne aux agences de chaque état membre d’autres moyens d’actions [11].
Elles peuvent notamment décider à l’issue de leur évaluation si des mesures de gestion du risque sont à prendre pour la protection de la santé humaine, animale ou de l’environnement. Elles peuvent ainsi contraindre les demandeurs d’une AMM à apposer sur les étiquettes du produit des phrases de risque types, choisies de manière appropriée parmi une liste prédéfinie. En France, ces mesures ont été traduites dans l’arrêté du 28 février 2005 [12] .
Elles peuvent notamment décider à l’issue de leur évaluation si des mesures de gestion du risque sont à prendre pour la protection de la santé humaine, animale ou de l’environnement. Elles peuvent ainsi contraindre les demandeurs d’une AMM à apposer sur les étiquettes du produit des phrases de risque types, choisies de manière appropriée parmi une liste prédéfinie. En France, ces mesures ont été traduites dans l’arrêté du 28 février 2005 [12] .
Les précautions relatives à la protection des abeilles sont connues sous la désignation « phrases spe8 ». Parmi celles-ci[13] on retrouve notamment la mise en garde « Ne pas utiliser en présence d’abeilles » qui vise à interdire l’application du produit lorsque des abeilles sont présentes sur les plantes traitées. Ceci implique que les cultivateurs souhaitant utiliser un produit phytopharmaceutique faisant mention de cette phrase sur son emballage ne seront pas autorisés à le faire dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil si des butineuses sont encore dans leurs parcelles.
Les précautions relatives à la protection des abeilles sont connues sous la désignation « phrases spe8 ». Parmi celles-ci[13] on retrouve notamment la mise en garde « Ne pas utiliser en présence d’abeilles » qui vise à interdire l’application du produit lorsque des abeilles sont présentes sur les plantes traitées. Ceci implique que les cultivateurs souhaitant utiliser un produit phytopharmaceutique faisant mention de cette phrase sur son emballage ne seront pas autorisés à le faire dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil si des butineuses sont encore dans leurs parcelles.
En plus de ces contraintes, ces derniers devront également continuer à détruire les couverts fleuris présents sous les cultures pérennes avant d’appliquer un traitement insecticide ou acaricide. Au regard de cette complexité règlementaire et afin de ne pas commettre d’actes répréhensibles, les cultivateurs ont plus que jamais intérêt à porter une attention toute particulière aux conditions d’emploi mentionnées sur les étiquettes des produits.
En plus de ces contraintes, ces derniers devront également continuer à détruire les couverts fleuris présents sous les cultures pérennes avant d’appliquer un traitement insecticide ou acaricide. Au regard de cette complexité règlementaire et afin de ne pas commettre d’actes répréhensibles, les cultivateurs ont plus que jamais intérêt à porter une attention toute particulière aux conditions d’emploi mentionnées sur les étiquettes des produits.
Déroger à la règle, ce n’est pas si facile !
Comme à l’accoutumée, le législateur a prévu de laisser la possibilité aux cultivateurs de déroger à la réglementation. Celle-ci prévoit en effet qu’ils puissent appliquer un traitement sans contrainte horaire lorsqu’ils rencontrent des impasses techniques ou sont soumis à une lutte obligatoire visant à se débarrasser d’organismes nuisibles réglementés. S’il est facile pour les cultivateurs d’expliquer l’application de traitements obligatoires en journée, il leur est, en revanche, moins aisé de justifier une impasse technique [14]. En effet, ils doivent pouvoir rendre compte dans leur registre phytosanitaire, devant un contrôleur ou, dans le pire des cas, devant une cour de justice, des raisons pour lesquelles ils n’étaient pas en mesure de respecter les contraintes horaires imposées par l’arrêté.
Comme à l’accoutumée, le législateur a prévu de laisser la possibilité aux cultivateurs de déroger à la réglementation. Celle-ci prévoit en effet qu’ils puissent appliquer un traitement sans contrainte horaire lorsqu’ils rencontrent des impasses techniques ou sont soumis à une lutte obligatoire visant à se débarrasser d’organismes nuisibles réglementés. S’il est facile pour les cultivateurs d’expliquer l’application de traitements obligatoires en journée, il leur est, en revanche, moins aisé de justifier une impasse technique [14]. En effet, ils doivent pouvoir rendre compte dans leur registre phytosanitaire, devant un contrôleur ou, dans le pire des cas, devant une cour de justice, des raisons pour lesquelles ils n’étaient pas en mesure de respecter les contraintes horaires imposées par l’arrêté.
A ce jour, il semble que les cultivateurs et leurs conseillers ne sont pas toujours en capacité d’apporter les données techniques démontrant qu’une application d’insecticide réalisée en soirée a une moindre efficacité sur les bioagresseurs qu’une application réalisée quelques heures plus tôt dans la journée.
De la même manière, les cultivateurs qui appliquent des fongicides en journée doivent prouver qu’ils n’auraient pas pu maitriser la maladie s’ils avaient attendu le crépuscule avant d’agir. Ainsi, sans plus d’information permettant à ces acteurs d’avancer une argumentation technique convaincante, il existe un risque juridique pour ceux qui utiliseraient ces dérogations.
A ce jour, il semble que les cultivateurs et leurs conseillers ne sont pas toujours en capacité d’apporter les données techniques démontrant qu’une application d’insecticide réalisée en soirée a une moindre efficacité sur les bioagresseurs qu’une application réalisée quelques heures plus tôt dans la journée.
De la même manière, les cultivateurs qui appliquent des fongicides en journée doivent prouver qu’ils n’auraient pas pu maitriser la maladie s’ils avaient attendu le crépuscule avant d’agir. Ainsi, sans plus d’information permettant à ces acteurs d’avancer une argumentation technique convaincante, il existe un risque juridique pour ceux qui utiliseraient ces dérogations.
Atténuer le risque des traitements de jour
Outre ces dérogations, l’arrêté du 20 novembre 2021 prévoit que les cultivateurs puissent appliquer un produit en dehors des contraintes horaires si l’Anses identifie des « outils d’aide à la décision ou autres technologies dont l’utilisation permettrait d’apporter des garanties équivalentes en matière d’exposition des abeilles et autres pollinisateurs ». L’arrêté indique plus précisément que l’Anses devra entreprendre une expérimentation d’une durée maximale de 3 ans afin d’identifier si des alternatives aux contraintes horaires permettent d’atténuer le risque afférent aux traitements en journée.
Outre ces dérogations, l’arrêté du 20 novembre 2021 prévoit que les cultivateurs puissent appliquer un produit en dehors des contraintes horaires si l’Anses identifie des « outils d’aide à la décision ou autres technologies dont l’utilisation permettrait d’apporter des garanties équivalentes en matière d’exposition des abeilles et autres pollinisateurs ». L’arrêté indique plus précisément que l’Anses devra entreprendre une expérimentation d’une durée maximale de 3 ans afin d’identifier si des alternatives aux contraintes horaires permettent d’atténuer le risque afférent aux traitements en journée.
Une évolution de la réglementation est donc encore possible dans les prochaines années si ces alternatives sont trouvées. Les pistes actuellement à l’étude incluent la mise en place d’aménagements fleuris censés détourner les abeilles des parcelles traitées, l’emploi de techniques d’application permettant de réduire l’exposition des butineuses ou encore l’emploi d’outils d’aide à la décision permettant de cibler des périodes de traitements en dehors de l’activité des abeilles.
Une évolution de la réglementation est donc encore possible dans les prochaines années si ces alternatives sont trouvées. Les pistes actuellement à l’étude incluent la mise en place d’aménagements fleuris censés détourner les abeilles des parcelles traitées, l’emploi de techniques d’application permettant de réduire l’exposition des butineuses ou encore l’emploi d’outils d’aide à la décision permettant de cibler des périodes de traitements en dehors de l’activité des abeilles.
La santé des pollinisateurs, tous concernés !
A bien y regarder, la nouveauté de cet arrêté réside aussi dans la définition des publics concernés par sa mise en application. En effet, s’il n’est pas étonnant de voir figurer les « demandeurs et titulaires d’autorisation de mise sur le marché », ainsi que les « utilisateurs de produits phytopharmaceutiques », parmi les destinataires de ce texte, il est plus inattendu de voir apparaitre à leurs côtés les « bénéficiaires des services de pollinisation ». Ces « bénéficiaires » désignent l’ensemble des concitoyens et les générations futures.
A bien y regarder, la nouveauté de cet arrêté réside aussi dans la définition des publics concernés par sa mise en application. En effet, s’il n’est pas étonnant de voir figurer les « demandeurs et titulaires d’autorisation de mise sur le marché », ainsi que les « utilisateurs de produits phytopharmaceutiques », parmi les destinataires de ce texte, il est plus inattendu de voir apparaitre à leurs côtés les « bénéficiaires des services de pollinisation ». Ces « bénéficiaires » désignent l’ensemble des concitoyens et les générations futures.
Leur inscription dans la loi signifie que nous sommes tous concernés par cette nouvelle réglementation et que le législateur estime que le respect de sa mise en application est l’affaire de chacun. L’arrêté du 20 novembre 2021 s’inscrit en cela dans l’esprit de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages [15], laquelle introduit pour la première fois dans la réglementation française le principe juridique de préjudice écologique et autorise « toute personne ayant intérêt et qualité à agir » à se pourvoir en justice pour la biodiversité.
Leur inscription dans la loi signifie que nous sommes tous concernés par cette nouvelle réglementation et que le législateur estime que le respect de sa mise en application est l’affaire de chacun. L’arrêté du 20 novembre 2021 s’inscrit en cela dans l’esprit de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages [15], laquelle introduit pour la première fois dans la réglementation française le principe juridique de préjudice écologique et autorise « toute personne ayant intérêt et qualité à agir » à se pourvoir en justice pour la biodiversité.
Un cultivateur informé, c’est une abeille sauvée !
Alors que la réglementation visant à protéger les abeilles des intoxications pendant la floraison fut durant plus d’un siècle remaniée en donnant une illusion de changement, l’arrêté du 20 novembre 2021 lance véritablement un pavé dans la mare du côté des cultivateurs, de leurs conseillers et des fabricants de produits phytopharmaceutiques. Il a des incidences à la fois sur les conditions de mise sur le marché du produit et sur celles de son application sur les plantes. L’arrêté introduit en particulier un degré de complexité supplémentaire dans l’organisation adoptée par les cultivateurs. Pour y faire face, il leur est recommandé de recourir à l’accompagnement de conseillers techniques experts du sujet. La consultation de la foire aux questions récemment publiée par le ministère de l’agriculture peut également les aider dans leur prise de décision[16].
Alors que la réglementation visant à protéger les abeilles des intoxications pendant la floraison fut durant plus d’un siècle remaniée en donnant une illusion de changement, l’arrêté du 20 novembre 2021 lance véritablement un pavé dans la mare du côté des cultivateurs, de leurs conseillers et des fabricants de produits phytopharmaceutiques. Il a des incidences à la fois sur les conditions de mise sur le marché du produit et sur celles de son application sur les plantes. L’arrêté introduit en particulier un degré de complexité supplémentaire dans l’organisation adoptée par les cultivateurs. Pour y faire face, il leur est recommandé de recourir à l’accompagnement de conseillers techniques experts du sujet. La consultation de la foire aux questions récemment publiée par le ministère de l’agriculture peut également les aider dans leur prise de décision[16].
Si la nouvelle réglementation est bien comprise et respectée, on peut raisonnablement espérer qu’il résulte des efforts consentis par les cultivateurs une diminution des niveaux d’exposition des butineuses à des produits préjudiciables pour leur santé. Il est en revanche hasardeux d’avancer que ces nouvelles dispositions réglementaires se traduiront par une forte diminution de la contamination des nectars et des pollens collectés par les butineuses.
C’est pourquoi, si diminuer l’exposition des butineuses s’avère insuffisant pour gérer les risques d’intoxication, l’activation d’autres leviers sera sans doute nécessaire pour protéger cette fois la qualité de leur alimentation et faire peut-être un jour des zones de butinage un sanctuaire pour les abeilles et les autres insectes pollinisateurs.
Si la nouvelle réglementation est bien comprise et respectée, on peut raisonnablement espérer qu’il résulte des efforts consentis par les cultivateurs une diminution des niveaux d’exposition des butineuses à des produits préjudiciables pour leur santé. Il est en revanche hasardeux d’avancer que ces nouvelles dispositions réglementaires se traduiront par une forte diminution de la contamination des nectars et des pollens collectés par les butineuses.
C’est pourquoi, si diminuer l’exposition des butineuses s’avère insuffisant pour gérer les risques d’intoxication, l’activation d’autres leviers sera sans doute nécessaire pour protéger cette fois la qualité de leur alimentation et faire peut-être un jour des zones de butinage un sanctuaire pour les abeilles et les autres insectes pollinisateurs.
Références
[1] JORF du 23 septembre 1916
[2] H Dromard. « La question des insecticides : Voici, par surcroît, les dérogations 1951 », L’Abeille de France, n° 309, juin 1951, pp. 1-3
[3] JORF du 26 mars 1952
[4] JORF du 30 mars 2004
[5] Decourtye et al. (2016). Fréquentation des cultures par les abeilles mellifères et sauvages : synthèse des connaissances pour réduire le risque d’intoxication aux pesticides. Cahiers Agricultures. Volume 25, Numéro 4, Juillet-Août 2016
[6] JORF du 21 novembre 2021
[7] Note d’information sur l’évaluation des risques pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs pour les produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants dans le cadre de la réglementation européenne et en lien avec les dispositions nationales de l’arrêté du 20 novembre 2021- (version 1 – 21 mars 2022) https://www.anses.fr/fr/system/files/NotePollinisateurs_21_03.pdf
[8] https://ecophytopic.fr/recherche-innovation/concevoir-son-systeme/projet-survapi
[9] Avis de l’Anses concernant la révision de l’arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d’utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de mieux protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs. Mars 2014. https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2013sa0234.pdf
[10] Avis de l’Anses relatif à l’évolution des dispositions réglementaires visant à protéger les abeilles et les insectes pollinisateurs sauvages (Saisine n° 2018-SA-0147), avis du 23 novembre 2018
[1] JORF du 23 septembre 1916
[2] H Dromard. « La question des insecticides : Voici, par surcroît, les dérogations 1951 », L’Abeille de France, n° 309, juin 1951, pp. 1-3
[3] JORF du 26 mars 1952
[4] JORF du 30 mars 2004
[5] Decourtye et al. (2016). Fréquentation des cultures par les abeilles mellifères et sauvages : synthèse des connaissances pour réduire le risque d’intoxication aux pesticides. Cahiers Agricultures. Volume 25, Numéro 4, Juillet-Août 2016
[6] JORF du 21 novembre 2021
[7] Note d’information sur l’évaluation des risques pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs pour les produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants dans le cadre de la réglementation européenne et en lien avec les dispositions nationales de l’arrêté du 20 novembre 2021- (version 1 – 21 mars 2022) https://www.anses.fr/fr/system/files/NotePollinisateurs_21_03.pdf
[8] https://ecophytopic.fr/recherche-innovation/concevoir-son-systeme/projet-survapi
[9] Avis de l’Anses concernant la révision de l’arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d’utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de mieux protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs. Mars 2014. https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2013sa0234.pdf
[10] Avis de l’Anses relatif à l’évolution des dispositions réglementaires visant à protéger les abeilles et les insectes pollinisateurs sauvages (Saisine n° 2018-SA-0147), avis du 23 novembre 2018 [11] Règlement (UE) n ° 547/2011 de la Commission du 8 juin 2011 portant application du règlement (CE) n ° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences en matière d’étiquetage de produits phytopharmaceutiques. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32011R0547
[12] JORF du 14 avril 2005
[13] Dangereux pour les abeilles./Protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, ne pas appliquer durant la floraison./Ne pas utiliser en présence d’abeilles./Retirer ou couvrir les ruches pendant l’application et [indiquer la période] après traitement./ Ne pas appliquer lorsque de adventices en fleur sont présentes./ Enlever les adventices avant leur floraison./Ne pas appliquer avant [indiquer la date].
[14] – si, en raison de l’activité exclusivement diurne des bio-agresseurs, le traitement réalisé au cours de la période définie à l’article 3 ne permet pas d’assurer une protection efficace de la culture traitée ;
– si, compte tenu du développement d’une maladie, l’efficacité d’un traitement fongicide est conditionnée par sa réalisation dans un délai contraint incompatible avec la période prévue à l’article 3.
[15] JORF du 9 août 2016
[11] Règlement (UE) n ° 547/2011 de la Commission du 8 juin 2011 portant application du règlement (CE) n ° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences en matière d’étiquetage de produits phytopharmaceutiques. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32011R0547
[12] JORF du 14 avril 2005
[13] Dangereux pour les abeilles./Protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, ne pas appliquer durant la floraison./Ne pas utiliser en présence d’abeilles./Retirer ou couvrir les ruches pendant l’application et [indiquer la période] après traitement./ Ne pas appliquer lorsque de adventices en fleur sont présentes./ Enlever les adventices avant leur floraison./Ne pas appliquer avant [indiquer la date].
[14] – si, en raison de l’activité exclusivement diurne des bio-agresseurs, le traitement réalisé au cours de la période définie à l’article 3 ne permet pas d’assurer une protection efficace de la culture traitée ;
– si, compte tenu du développement d’une maladie, l’efficacité d’un traitement fongicide est conditionnée par sa réalisation dans un délai contraint incompatible avec la période prévue à l’article 3.
[15] JORF du 9 août 2016
Auteurs :
Cyril Vidau & Julie Fourrier
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