L’impact du frelon à pattes jaunes sur les colonies
Publié le 30/01/2025
Maladies, prédateurs
Quel coût pour l’économie apicole en France ?
L’invasion de cette espèce a en effet des répercussions financières non négligeables sur la filière apicole hexagonale. On parle ici de l’ensemble des dépenses qui vont être réalisées à la fois pour contrôler la propagation du frelon à pattes jaunes et pour prendre en charge son impact sur l’apiculture mais aussi l’agriculture, la biodiversité et la santé humaine. La seule destruction des nids de frelons, le principal moyen de lutte mis en œuvre, a été estimée à 12 millions d’euros annuels [1]. Et une récente étude [2], à laquelle l’ITSAP-Institut de l’abeille a contribué, évalue que les pertes de colonies d’abeilles engendrées par la prédation du frelon pourraient représenter un coût jusqu’à trois fois plus élevé.
Il y a 20 ans, le frelon à pattes jaunes ou Vespa velutina était introduit en Europe via la France, par le biais du commerce international de produits chinois. En 2024, cette espèce exotique envahissante a colonisé l’ensemble du territoire métropolitain et elle est dorénavant présente dans 11 pays voisins, à savoir l’Espagne, le Portugal, la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Tchéquie et la Hongrie [3].
Il y a 20 ans, le frelon à pattes jaunes ou Vespa velutina était introduit en Europe via la France, par le biais du commerce international de produits chinois. En 2024, cette espèce exotique envahissante a colonisé l’ensemble du territoire métropolitain et elle est dorénavant présente dans 11 pays voisins, à savoir l’Espagne, le Portugal, la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suisse, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Tchéquie et la Hongrie [3].
L’expansion rapide de ce prédateur d’abeilles domestiques, aussi appelées Apis mellifera, menace l’apiculture française et européenne, déjà soumises à de nombreux facteurs de stress, à l’instar des parasites, des pesticides ou du manque de ressources alimentaires, qui affaiblissent les colonies et induisent une forte mortalité hivernale.
L’expansion rapide de ce prédateur d’abeilles domestiques, aussi appelées Apis mellifera, menace l’apiculture française et européenne, déjà soumises à de nombreux facteurs de stress, à l’instar des parasites, des pesticides ou du manque de ressources alimentaires, qui affaiblissent les colonies et induisent une forte mortalité hivernale.
Baisse démographique et activité menacée en fin de saison
En France, V. velutina s’attaque aux colonies d’abeilles domestiques quand l’été est déjà bien avancé, généralement entre fin juillet et mi-août selon les conditions climatiques plus ou moins favorables de l’année, et jusqu’à l’automne, un pic de prédation intervenant entre les mois de septembre et octobre. Durant cette période, le régime alimentaire de ce prédateur d’insectes peut contenir jusqu’à 38 % d’abeilles domestiques car il va privilégier les proies localement abondantes [4]. La prédation culmine à un moment crucial, celui où les colonies se préparent à l’hivernage. Deux mécanismes sont à l’œuvre [5] : le premier tient à la démographie des colonies, directement affectée par la prédation que les frelons exercent sur les abeilles butineuses revenant à la ruche. Le deuxième réside dans la baisse possible de l’activité de butinage causée par la présence des frelons ouvrières chassant en nombre à l’entrée des ruches.
En France, V. velutina s’attaque aux colonies d’abeilles domestiques quand l’été est déjà bien avancé, généralement entre fin juillet et mi-août selon les conditions climatiques plus ou moins favorables de l’année, et jusqu’à l’automne, un pic de prédation intervenant entre les mois de septembre et octobre. Durant cette période, le régime alimentaire de ce prédateur d’insectes peut contenir jusqu’à 38 % d’abeilles domestiques car il va privilégier les proies localement abondantes [4]. La prédation culmine à un moment crucial, celui où les colonies se préparent à l’hivernage. Deux mécanismes sont à l’œuvre [5] : le premier tient à la démographie des colonies, directement affectée par la prédation que les frelons exercent sur les abeilles butineuses revenant à la ruche. Le deuxième réside dans la baisse possible de l’activité de butinage causée par la présence des frelons ouvrières chassant en nombre à l’entrée des ruches.
Le butinage peut même être stoppé en cas de forte pression de prédation, celle-ci étant estimée à plus de 12 frelons par ruche, selon un modèle de prédiction de la mortalité hivernale liée au frelon [5]. Cette paralysie de l’activité de butinage peut conduire à une réduction importante des apports alimentaires et donc compromettre fortement la préparation à l’hivernage et la survie des colonies. La prédation du frelon sur les colonies d’abeilles constitue alors une perturbation qui vient s’ajouter aux autres multiples facteurs de stress responsables de la mortalité hivernale. La perte de colonies directement attribuée à l’intervention de cette espèce et le coût que cela représente pour l’économie apicole sont donc difficiles à estimer. Ces informations sont pourtant capitales pour les apiculteurs, les Organismes à Vocation Sanitaires (OVS) et les décideurs politiques en charge de la mise en place d’une stratégie de lutte nationale contre ce frelon exotique.
Le butinage peut même être stoppé en cas de forte pression de prédation, celle-ci étant estimée à plus de 12 frelons par ruche, selon un modèle de prédiction de la mortalité hivernale liée au frelon [5]. Cette paralysie de l’activité de butinage peut conduire à une réduction importante des apports alimentaires et donc compromettre fortement la préparation à l’hivernage et la survie des colonies. La prédation du frelon sur les colonies d’abeilles constitue alors une perturbation qui vient s’ajouter aux autres multiples facteurs de stress responsables de la mortalité hivernale. La perte de colonies directement attribuée à l’intervention de cette espèce et le coût que cela représente pour l’économie apicole sont donc difficiles à estimer. Ces informations sont pourtant capitales pour les apiculteurs, les Organismes à Vocation Sanitaires (OVS) et les décideurs politiques en charge de la mise en place d’une stratégie de lutte nationale contre ce frelon exotique.
Entre 3 et 30% de pertes annuelles
La perte de colonies liée à la présence du frelon à pattes jaunes a été calculée en combinant (1) des prédictions spatiales de la densité des nids de frelons basées sur un programme d’inventaires de terrain s’étalant sur 5 ans, (2) des prédictions spatiales de la densité des colonies d’abeilles fondées sur les déclarations de ruches de l’année 2015, et enfin (3) un modèle BEEHAVE de prédiction du risque de mortalité des colonies (https://beehave-model.net/).
En l’absence de certaines informations, deux hypothèses ont été faites pour calibrer ce modèle. Tout d’abord, le risque de mortalité d’une colonie dépend de la densité relative de prédateurs et de proies sur une même aire. Ne disposant pas d’une géolocalisation précise des colonies (seul le nombre de colonies par commune était disponible), la première hypothèse considère donc que les frelons peuvent atteindre toutes les colonies d’abeilles présentes dans la commune d’emplacement de leur nid.
La perte de colonies liée à la présence du frelon à pattes jaunes a été calculée en combinant (1) des prédictions spatiales de la densité des nids de frelons basées sur un programme d’inventaires de terrain s’étalant sur 5 ans, (2) des prédictions spatiales de la densité des colonies d’abeilles fondées sur les déclarations de ruches de l’année 2015, et enfin (3) un modèle BEEHAVE de prédiction du risque de mortalité des colonies (https://beehave-model.net/).
En l’absence de certaines informations, deux hypothèses ont été faites pour calibrer ce modèle. Tout d’abord, le risque de mortalité d’une colonie dépend de la densité relative de prédateurs et de proies sur une même aire. Ne disposant pas d’une géolocalisation précise des colonies (seul le nombre de colonies par commune était disponible), la première hypothèse considère donc que les frelons peuvent atteindre toutes les colonies d’abeilles présentes dans la commune d’emplacement de leur nid.
Deuxièmement, la taille du nid affecte directement le nombre de frelons prédateurs potentiels et donc la pression de prédation sur chaque colonie. En l’absence d’information sur la taille des nids, l’estimation de la perte de colonies a été réalisée faisant l’hypothèse de nids de petite taille (1 frelon par nid prédatant chaque colonie sur l’aire de la commune) ou de nids grande taille (20 frelons par nids prédatant chaque colonie sur l’aire de la commune). Ces deux scénarios permettant d’encadrer un intervalle de valeurs probables, par une valeur basse et une valeur haute: au moins 2,6 % pour une faible pression de prédation et jusqu’à 29,2 % du cheptel national pour la plus forte, ce qui représente entre 27 821 colonies et 308 379 colonies par an.
Deuxièmement, la taille du nid affecte directement le nombre de frelons prédateurs potentiels et donc la pression de prédation sur chaque colonie. En l’absence d’information sur la taille des nids, l’estimation de la perte de colonies a été réalisée faisant l’hypothèse de nids de petite taille (1 frelon par nid prédatant chaque colonie sur l’aire de la commune) ou de nids grande taille (20 frelons par nids prédatant chaque colonie sur l’aire de la commune). Ces deux scénarios permettant d’encadrer un intervalle de valeurs probables, par une valeur basse et une valeur haute: au moins 2,6 % pour une faible pression de prédation et jusqu’à 29,2 % du cheptel national pour la plus forte, ce qui représente entre 27 821 colonies et 308 379 colonies par an.
Un coût estimé entre 2,8 et 30,8 millions d’euros par an
** Le coût économique** de V. velutina a été évalué à l’échelle nationale en se basant sur les prédictions de pertes de colonies liées au prédateur (en considérant la somme des colonies perdues pour les 13 régions françaises) et en tablant sur un coût moyen national de remplacement de 100 € par colonie perdue. Le remplacement du cheptel national représente ainsi entre 2,8 et 30,8 millions d’euros par an. L’impact économique pour l’ensemble des apiculteurs français a lui été estimé en rapportant le coût du remplacement du cheptel national au montant des revenus issus de la vente de miel, eux-mêmes établis sur la base des valeurs de production de miel fournies par le ministère de l’agriculture disposant de données pour les 13 régions françaises, et pour un prix moyen fixe de 8 € par kg de miel (source France AgriMer). Résultat, l’intervention de V. velutina peut peser entre 2,4 % et 26,6 % des revenus issus de la vente de miel en raison du remplacement du cheptel.
** Le coût économique** de V. velutina a été évalué à l’échelle nationale en se basant sur les prédictions de pertes de colonies liées au prédateur (en considérant la somme des colonies perdues pour les 13 régions françaises) et en tablant sur un coût moyen national de remplacement de 100 € par colonie perdue. Le remplacement du cheptel national représente ainsi entre 2,8 et 30,8 millions d’euros par an. L’impact économique pour l’ensemble des apiculteurs français a lui été estimé en rapportant le coût du remplacement du cheptel national au montant des revenus issus de la vente de miel, eux-mêmes établis sur la base des valeurs de production de miel fournies par le ministère de l’agriculture disposant de données pour les 13 régions françaises, et pour un prix moyen fixe de 8 € par kg de miel (source France AgriMer). Résultat, l’intervention de V. velutina peut peser entre 2,4 % et 26,6 % des revenus issus de la vente de miel en raison du remplacement du cheptel.
À l’échelle régionale, le coût économique moyen simulé avec le scénario de forte pression de prédation atteint 1,3 million d’euros par an. Toutefois, si l’on regarde région par région, celui-ci varie grandement, de 0,4 million d’euros en Corse à 5,5 millions d’euros en Occitanie (Fig. 1a). Ces variations régionales sont liées à l’hétérogénéité de la densité des nids et de la distribution du cheptel selon les régions. Si l’on considère le coût du remplacement des colonies d’abeilles au regard des revenus régionaux moyens issus de la vente de miel, l’impact varie entre 13,2 % des revenus pour la Bourgogne-Franche-Comté et 96,5 % pour la Normandie (Fig. 1b). Ces variations sont dépendantes des valeurs de production de miel de chaque région, fournies par le ministère de l’agriculture et donc du revenu moyen calculé pour chaque région.
À l’échelle régionale, le coût économique moyen simulé avec le scénario de forte pression de prédation atteint 1,3 million d’euros par an. Toutefois, si l’on regarde région par région, celui-ci varie grandement, de 0,4 million d’euros en Corse à 5,5 millions d’euros en Occitanie (Fig. 1a). Ces variations régionales sont liées à l’hétérogénéité de la densité des nids et de la distribution du cheptel selon les régions. Si l’on considère le coût du remplacement des colonies d’abeilles au regard des revenus régionaux moyens issus de la vente de miel, l’impact varie entre 13,2 % des revenus pour la Bourgogne-Franche-Comté et 96,5 % pour la Normandie (Fig. 1b). Ces variations sont dépendantes des valeurs de production de miel de chaque région, fournies par le ministère de l’agriculture et donc du revenu moyen calculé pour chaque région.
Toutes ces estimations sont issues d’un modèle basé sur des hypothèses accompagnées d’incertitudes : en effet nous pouvons penser que les bases de données utilisées sur les inventaires de nids et sur la localisation des ruchers conduisent à une sous-estimation de la réelle densité de nids et du nombre réel de colonies par commune. Par ailleurs, les valeurs de pression au rucher ont été prises pour simuler un scénario a minima et un scénario du pire, soit 1 frelon par nid ou 20 frelons par nid, prédatant chaque colonie sur l’aire de la commune.
Toutes ces estimations sont issues d’un modèle basé sur des hypothèses accompagnées d’incertitudes : en effet nous pouvons penser que les bases de données utilisées sur les inventaires de nids et sur la localisation des ruchers conduisent à une sous-estimation de la réelle densité de nids et du nombre réel de colonies par commune. Par ailleurs, les valeurs de pression au rucher ont été prises pour simuler un scénario a minima et un scénario du pire, soit 1 frelon par nid ou 20 frelons par nid, prédatant chaque colonie sur l’aire de la commune.
Ces valeurs produisent une forte incertitude, puisque les pressions observées sur le terrain peuvent être différentes. Enfin, les estimations se basent sur un coût moyen de la colonie ou du prix du miel, alors que ces données font l’objet d’une très grande variabilité. Par conséquent, l’impact économique de V. velutina se situe très certainement entre les valeurs minimales et maximales estimées dans cette étude. Une enquête menée conjointement par le réseau ADA et l’ITSAP-Institut de l’abeille est en cours et aboutira à de nouvelles connaissances sur l’impact technico-économique du frelon à l’échelle des exploitations cette fois.
Ces valeurs produisent une forte incertitude, puisque les pressions observées sur le terrain peuvent être différentes. Enfin, les estimations se basent sur un coût moyen de la colonie ou du prix du miel, alors que ces données font l’objet d’une très grande variabilité. Par conséquent, l’impact économique de V. velutina se situe très certainement entre les valeurs minimales et maximales estimées dans cette étude. Une enquête menée conjointement par le réseau ADA et l’ITSAP-Institut de l’abeille est en cours et aboutira à de nouvelles connaissances sur l’impact technico-économique du frelon à l’échelle des exploitations cette fois.

Fig.1. Coût et impact économique régional du frelon à pattes jaunes sur l’apiculture en France. Les valeurs régionales sont encadrées par les valeurs prédites selon le scénario de faible pression de prédation et le scénario de forte pression de prédation. La ligne verticale en pointillé représente la valeur moyenne régionale.
Bibliographie
[1] Barbet-Massin, M., Salles, J.-M., Courchamp, F., 2020. The economic cost of control of the invasive yellow-legged Asian hornet. NeoBiota 55, 11-25.
[2] Requier, F., Fournier, A., Pointeau, S., Rome, Q., Courchamp, F., 2023. Economic costs of the invasive Yello-legged hornet on honey bees. Science of the Total Environment 898, 1-9.
[3] Rome, Q., Villemant, C. Le Frelon asiatique Vespa velutina - Inventaire national du Patrimoine naturel. In: Muséum national d’Histoire naturelle [Ed]. Site Web. http://frelonasiatique.mnhn.fr consulté le 22/10/2024.
[1] Barbet-Massin, M., Salles, J.-M., Courchamp, F., 2020. The economic cost of control of the invasive yellow-legged Asian hornet. NeoBiota 55, 11-25.
[2] Requier, F., Fournier, A., Pointeau, S., Rome, Q., Courchamp, F., 2023. Economic costs of the invasive Yello-legged hornet on honey bees. Science of the Total Environment 898, 1-9.
[3] Rome, Q., Villemant, C. Le Frelon asiatique Vespa velutina - Inventaire national du Patrimoine naturel. In: Muséum national d’Histoire naturelle [Ed]. Site Web. http://frelonasiatique.mnhn.fr consulté le 22/10/2024.
[4] Rome, Q., Perrard, A., Muller, F.,Fontaine, C., Quilès, A., Zuccon, D., Villemant, C., 2021. Not just honeybees: predatory habits of Vespa velutina (Hymenoptera: Vespidae) in France. Annales de la Société entomologique de France 57,1-11.
[5] Requier, F., Rome, Q., Chiron, G., Decante, D., Marion, S., Ménard, M., et al., 2019. Predation of the invasive Asian hornet-induced risk on honeybee colony collapse affects foraging activity and survival probability of honey bees in Western Europe. Journal of Pest Science 92, 567-578.
[4] Rome, Q., Perrard, A., Muller, F.,Fontaine, C., Quilès, A., Zuccon, D., Villemant, C., 2021. Not just honeybees: predatory habits of Vespa velutina (Hymenoptera: Vespidae) in France. Annales de la Société entomologique de France 57,1-11.
[5] Requier, F., Rome, Q., Chiron, G., Decante, D., Marion, S., Ménard, M., et al., 2019. Predation of the invasive Asian hornet-induced risk on honeybee colony collapse affects foraging activity and survival probability of honey bees in Western Europe. Journal of Pest Science 92, 567-578.
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