Comptage automatique des varroas : Bee Varroa Scan à l’épreuve de la comparaison

Publié le 26/07/2023

Maladies, prédateurs

Le comptage des Varroas sur lange , méthode qui consiste à glisser une plaque graissée sous le plancher de la ruche afin de dénombrer le nombre de Varroas qui y tombent peut s’avérer fastidieux. L’opération doit en effet être répétée régulièrement et sur de longues périodes. Le scanner Bee Varroa Scan (BeeVS), conçu par l’association italienne Apisfero automatise cette tâche. L’ITSAP-Institut de l’abeille a collaboré avec celle-ci pour tester l’outil. L’occasion d’identifier quelques points techniques à améliorer mais avant tout de démontrer son intérêt, tout particulièrement pour évaluer l’efficacité de médicaments anti-Varroa. Détail de nos analyses.

L’estimation de l’infestation des colonies en Varroas est couramment réalisée selon deux méthodes : la mesure du nombre de Varroas phorétiques sur les ouvrières adultes ou celui de Varroas morts sur un lange.

Si l’indicateur « nombre de Varroas phorétiques pour 100 abeilles » se généralise pour évaluer ponctuellement l’infestation en saison, « les chutes sur lange » restent l’approche largement employée, en particulier si l’on veut mesurer l’efficacité des médicaments.

Compter les Varroas sur lange : une méthode chronophage

Avec de bons yeux, de la concentration et un peu d’expérience, le comptage des Varroas morts sur le lange peut se dérouler sans trop d’encombre. Mais cela se complique lorsque les chutes sont très élevées, notamment dans les semaines suivant l’application d’un traitement.

Pour résoudre ce problème, l’ITSAP et INRAE d’Avignon ont développé la grille de comptage VarEval qui restreint la surface de comptage à quelques cercles, et réduit ainsi le temps passé (Kretzschmar et al., 2014). Toutefois, le risque de faire des erreurs demeure lorsque les Varroas sont très nombreux.

Bee Varroa Scan : la reconnaissance des Varroas par image

Plusieurs projets de reconnaissance automatique des Varroas ont vu le jour, mais peu ont une maturité suffisante pour être faire l’objet d’une utilisation en conditions réelles.

De ce point de vue, Bee Varroa Scan (BeeVS) semble se distinguer, ce qui a retenu l’intérêt de l’ITSAP-Institut de l’abeille. Les résultats obtenus ont été comparés avec ceux issus de procédés classiques de dénombrement : méthode visuelle sur la surface totale du lange ou méthode visuelle avec VarEval.

Comment ça marche ?

Le scanner se présente sous la forme d’une grande boite (Photo 1) permettant d’y glisser entièrement un lange et doté d’un dispositif qui capture des images et les enregistre. Il peut être transporté et utilisé sur les ruchers en étant relié à une alimentation (avec un adaptateur pour batterie de voiture). Son fonctionnement est piloté via un ordinateur connecté ou avec un smartphone. Après avoir créé un compte et des identifiants de ruchers, les langes peuvent être scannés les uns après les autres en associant à chacun le numéro de ruche, la date de retrait du lange et le nombre de jours de mise en place. Le BeeVS génère une image du lange, reconstituée à partir de 40 clichés. Les images sont envoyées dans le Cloud d’Apisfero pour y être analysées par un algorithme de reconnaissance des Varroas. Si le réseau n’est pas accessible sur le rucher, les scans sont stockés avant d’être envoyés dès qu’une connexion est disponible.

Photo 1 : Scanner BeeVS avec lange. ©Jean-Baptiste Malraux/ADA BFC

Focus sur le dispositif mis en place

    Rucher expérimental de l’ITSAP-Institut de l’abeille : 30 ruches Dadant dix cadres, avec plancher entièrement grillagé et un tiroir à lange ;

    Traitements anti-Varroa : évaluation du médicament Amicel avec un médicament de contrôle sur 21 colonies ;

    Suivi des chutes de Varroas : sur langes collants collectés deux fois par semaine pendant deux mois et demi et comptage au laboratoire :

o Scan de chaque lange avec BeeVS ;

o Dénombrement visuel : le.la même observateur.rice dénombre les acariens morts sur toute la surface de chaque lange ;

o Utilisation de VarEval ;

    Enregistrement du temps de réalisation des trois méthodes.

Photo 2 : Le tableau de bord sur https://www.apisferoweb.it propose de visualiser les Varroas identifiés sur les scans du lange. ©Julien Vallon/ITSAP

Un tableau de bord, accessible à partir du site https://www.apisferoweb.it présente, pour chaque ruche, l’évolution du nombre de Varroas aux dates des différents relevés. Le nombre d’acariens identifiés est indiqué pour chacun des 40 clichés constituant un lange, avec la possibilité d’accéder à chacune des images (Photo 2). L’ensemble des données peut être exporté dans un fichier CSV.

Combien ça coûte ?

Voici une estimation des différents postes budgétaires à prévoir pour une utilisation du BeeVS en 2023 :

• Adhésion à Apisfero et assistance technique : 220 €

• Frais de transport du scanner : 140 €

• « Forfait 1000 scans » : 1 670 € soit 1,67 €/scan, avec un forfait dégressif : 1,63 €/scan à partir de 3 000 scans, 1,50 €/scan à partir de 5 000 scans, 1,31 €/scan à partir de 10 000 scans.

• Les coûts liés au remplacement des langes tous les 3 à 4 jours sont augmentés par rapport aux méthodes classiques (remplacement tous les 7 jours).

Figure 1 : Corrélations (droite bleue ou orange) entre le nombre de Varroas dénombrés avec le scanner et celui par la méthode visuelle sur l’exhaustivité du lange (A) ou celui avec VarEval (B). Le nombre de Varroas dénombrés avec le BeeVS est supérieur à celui obtenu par les comptages visuels, d’autant plus pour les valeurs hautes. On note quelques écarts entre le scanner et la méthode visuelle exhaustive, pour de faibles densités de Varroas (entouré en rouge).

Des méthodes aux résultats comparables

Même si le scanner a tendance à dénombrer plus de Varroas qu’avec la méthode visuelle exhaustive, surtout à partir de 300 acariens, les résultats obtenus sont similaires (Figure 1A). Les nombres d’acariens enregistrés avec la grille VarEval et ceux avec le scanner sont semblables (Figure 1B). Lors de la comparaison avec la méthode visuelle exhaustive, des écarts ont été mesurés pour de faibles densités de Varroas sur le lange mais cela correspond à seulement 1,3 % des données acquises.

Une analyse approfondie des erreurs d’analyse de BeeVS avec son concepteur nous a permis de mettre en lumière trois causes d’imprécision de lecture, liées à certains acariens ou à des débris (Photo 3).

Photo 3 : Trois types d’erreur commis par BeeVS : des débris (cire, propolis, pollen…) comptabilisés comme Varroas (faux positifs, flèche jaune) , des Varroas tombés sur le côté non comptabilisés (faux négatifs, flèches oranges) et des Varroas immatures comptabilisés (flèches bleues), contrairement à la méthode visuelle classique. Finalement, certains Varroas peuvent se situer sur une zone non scannée (défaut révélé par l’étude, en cours de résolution).

Figure 2 : Le temps de lecture d’un lange avec BeeVS est de moins d’une minute (ligne rouge) alors qu’il augmente proportionnellement avec la quantité de Varroa lors des comptages visuels (exhaustif en bleu ou avec VarEval en orange).

Les performances de comptage du BeeVS

Le temps nécessaire pour placer un lange dans le BeeVS, lancer la procédure, réaliser le scan et retirer le lange est en moyenne de 50 secondes, quelle que soit la densité de Varroas sur le lange (Figure 2). D’après nos résultats, il est plus avantageux d’utiliser un scanner que de réaliser un comptage visuel exhaustif ou avec une grille VarEval dès 35 Varroas sur le lange.

Tableau 1 : durée moyenne, minimale et maximale des dénombrements de Varroas pour tester l’efficacité du médicament sur une ruche (21 langes à compter).

L’intérêt du scanner, en termes de temps passé, est particulièrement observé lors du test d’efficacité du médicament (Tableau 1). La méthode du scanner a été plus rapide de 5 min en moyenne par rapport à celle de VarEval, mais plus de deux fois plus rapide que la méthode exhaustive. Ces différences de temps deviennent très significatives lorsqu’on multiplie les tests sur plusieurs ruches. Dans notre étude par exemple les données nécessaires pour calculer l’efficacité sont disponibles pour 21 ruches. Les comptages de 441 langes ont duré au total 14 heures et 20 minutes avec la méthode visuelle exhaustive, 7 heures et 15 minutes avec la grille VarEval et 6 heures et 5 minutes en utilisant le BeeVS. Nous avons ainsi un gain de temps avec le scanner de 1 h 40 min par rapport à VarEval et de 8 h 15 min par rapport au comptage visuel exhaustif.

Tableau 2 : Les taux d’efficacité du médicament testé (N=21 colonies) selon la méthode de comptage sur lange.

Un outil prometteur pour évaluer l’efficacité d’un traitement

Les trois méthodes de dénombrement sur lange donnent des résultats d’efficacité du médicament équivalents, à 0,5 % près (Tableau 2). A l’issue de ces tests, les colonies sont traditionnellement classées en 4 catégories selon le taux d’efficacité obtenu. Ce classement est similaire pour les 3 méthodes employées.

La comparaison de trois méthodes de dénombrement des Varroas sur langes - le nouvel outil Bee Varroa Scan et les méthodes visuelles plus classiques (comptage sur la totalité du lange ou comptage avec la grille VarEval) - a montré des résultats très similaires. Des améliorations techniques sont en cours sur BeeVS à la suite de la mise en évidence de certaines erreurs de lecture de l’outil, notamment la légère surestimation du nombre de Varroas. Cela vient du fait que l’analyse d’image considère certains débris comme des Varroas et qu’elle comptabilise certains Varroas immatures, alors que l’observateur.rice ne commet pas cette erreur.

Notre étude révèle également l’intérêt du scanner dans le cas précis des tests d’efficacité des médicaments anti-Varroa, avec un gain de temps important. De plus, lorsque le nombre de langes à observer est élevé , le risque d’erreur peut nettement augmenter chez l’observateur.rice avec la fatigue due aux d’observations successives répétées, il est plus limité avec le scanner dont les performances sont plus constantes.

Ce scanner a également été testé par l’ADA Bourgogne Franche Comté et l’AOC Corse dont un prochain article rapportera leurs retours d’expérience.

Bee Varroa Scan : récapitulatif des avantages et limites

Remerciements

Davide Bassignana et Andrea Varesio (Apisfero), Eloïs Servel, Sophie Pointeau, Julie Fourrier, Pierre-Alban Rault et Fabrice Allier (ITSAP), Caroline Marinthe (AOP Corse), Jean-Baptiste Malraux (ADA BFC). Le financement de cette étude est réalisé par France AgriMer dans le cadre de l’Appui Technique National.

Bibliographie

Rubinigg M. (2019) Report on the project « Testing of Varroa field diagnostic systems ». Biene Österreich, 117 p.

Kretzschmar A., Durand E., Maisonnasse A., Vallon J. and Le Conte Y. (2013) A New Stratified Sampling Procedure which Decreases Error Estimation of Varroa Number on Sticky Boards. J. ?Econ. Entomol. 108(3) :1435-43. Doi : 10.1093/jee/tov077

Auteurs : 

Julien Vallon, Axel Decourtye

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