Boîtes de fécondation : la taille compte

Publié le 27/01/2015

Elevage et sélection

La qualité des soins apportés à une reine par les ouvrières en début de vie est essentielle pour une expression optimale de ses capacités tout au long de sa vie.

À ce titre, le nombre d’abeilles – donc le volume de la ruchette de fécondation – est un paramètre à prendre en compte au moment du choix du matériel. Or, il existe aujourd’hui une très grande variété de « boîtes de fécondations » : ruchettes, nucléis, mini-plus, maxi-plus, Kielers, Apidea… sans évoquer les produits « maison », directement adaptés au matériel de l’apiculteur.

Chacune de ces boîtes a été développée pour répondre à des exigences particulières souvent liées à des aspects pratiques : facile à visiter, à manipuler, à regrouper, légèreté, solidité, isolation…

Le volume de ces différentes solutions joue directement sur le nombre d’abeilles présentes dans ces « mini-colonies ». L’éleveur peut veiller à maintenir une population forte au sein de chaque nucléi, mais ne peut pas dépasser sa capacité.

Cet article présente donc un état des connaissances sur l’impact du volume des ruchettes de fécondation ou du nombre d’ouvrières sur la qualité des reines, complété par une analyse de l’AOC « Miel de Corse– Mele di Corsica » sur le suivi d’élevage en Corse.

Une biblio limitée mais concordante

Les trois études présentées ici sont datent des années 90 et 2000, mais leur conclusions sont identiques : plus la ruchette de fécondation dispose d’un volume important, meilleure est la qualité de la reine qui en sort.

En 1990, L.A.M. Hassan, durant sa thèse, a comparé trois volumes de nucléis utilisés en Angleterre : British standard – 16500cm3 (légèrement supérieur au demi-cadre de hausse Dadant), Baby- 2640 cm3 (Kirchhain – Kieler) et Micro -224 cm3 (Atkinson). Pour chacune des modalités, une trentaine de reines ont été suivies puis analysées. Les résultats de cette étude montrent que les volumes de fécondations plus faibles aboutissent à des âges de fécondation des reines et des entrées en ponte plus tardives (respectivement 8,67 ; 9,33 et 11,00 jours et 3,24 ; 4,06 et 6,79 jours). De même, les reines issues de nucléis les plus petits avaient significativement moins de spermatozoïdes dans leurs spermatèques (2,86×106 pour le Micro contre 3,98×106 et 4,98×106 pour le Baby et le standard).

La même année, Woyke et Jasinski, ont publié un travail de comparaison réalisé à partir de 70 reines inséminées, réparties dans des nucléis de tailles différentes (un cadre de nucléi, quatre cadres de nucléi, ruchette de cinq cadres), avec un nombre d’abeilles variable :150, 350 et 750 abeilles pour les deux premiers cas et 9 000 abeilles pour la dernière modalité.

Pour ces reines, dont la date de fécondation était parfaitement maîtrisée, les résultats suivants ont été obtenus sur l’âge d’entrée en ponte :

15,1j ; 13,5j et 11,5j selon le nombre d’ouvrières, pour les nucléis sur un cadre (avec respectivement 150, 350 et 750 abeilles) ; 12,6j ; 12,1j et 9,9j pour les nucléis sur quatre cadres (avec respectivement 150, 350 et 750 abeilles) ;6,9 j pour les ruchettes de cinq cadres.

Ils concluent donc que le nombre d’abeilles sur les cadres a un impact important sur la précocité d’entrée en ponte des reines. Leurs travaux concluent aussi que cette différence s’explique certainement par une température plus élevée au sein des nucléis mieux peuplés (1°C diminuant de 1 à 2 jours l’entrée en ponte).

Plus récemment (2002), une publication lituanienne de Diana Tamasauskiene mettait également en évidence l’intérêt d’avoir suffisamment d’abeilles (via le nombre de cadres) pour obtenir des taux de réussite à l’introduction et à l’entrée en ponte des reines satisfaisant.

Si ces travaux scientifiques montrent clairement l’intérêt d’avoir suffisamment d’abeilles dans les boîtes de fécondations, leurs résultats sont difficiles à interpréter pour le matériel utilisé en France. On imagine aisément qu’il existe un effet de seuil au-delà duquel le nombre d’abeilles présentes dans une ruchette de fécondation n’améliore pas la qualité de la reine qui en sort. De plus, les paramètres analysés (acceptation, âge d’entrée en ponte, remplissage de la spermatèque) ne sont pas directement extrapolables à la qualité d’une reine sur l’intégralité de sa vie. Le travail réalisé par la station de l’AOC « Miel de Corse-– Mele di Corsica » apporte donc des éléments très intéressant sur ces limites.

Analyse en station de sélection de l’impact des boîtes de fécondation sur les reines

L’AOC « Miel de Corse – Mele di Corsica » a mené un suivi longitudinal des reines, réalisé grâce à un enregistrement rigoureux du parcours d’élevage de celui de chacune permet de mesurer l’impact de paramètres d’élevage sur des critères tels que la taille des boîtes de fécondation.

Le matériel utilisé lors de la fécondation est ainsi enregistré depuis 2010 au sein de la station de sélection de l’AOC et une grande partie des reines fécondées est ensuite suivie jusqu’à la fin de leur vie.

L’analyse des données présentée ici permet ainsi de faire le lien entre le type de boîtes de fécondation utilisées dans la station et les performances futures des reines

Les résultats présentés ci-après se concentrent sur quatre principaux types de matériel, analysés au regard des performances des reines depuis 2010 :

Micro-nucléi : type Apidéa

Mini+ : demi-cadres de hausses dadant Dadant : Hausse dadant divisée en 2 dans la longueur, les entrées tête bêche, Ruchette : langsrtoth 6 cadres dont un nourriseur.

L’analyse statistique des données de la station (procédure Glm de SAS) met en évidence un effet hautement significatif de la boîte de fécondation sur le succès de l’introduction de reines, ainsi que sur l’âge de ponte. Elle montre aussi un effet très significatif de ces mêmes boîtes sur la durée de vie des reines.

[table width="95.5%" style="margin: 0 2%;"]

Type de boîte, Succès à l’introduction, Age de ponte (j après greffage), Durée de vie (mois)

Micro nucléi,39 % (n=105), "27,1 ± 7,9 (n=37)",-

Dadant,59 % (n=679), "24,8 ± 3,2 (n=230)", "8,0 ± 4,5 (n=70)"

Mini +,58 % (n=509), "24,7 ± 3,0 (n=181)", "8,7 ± 5,8 (n=51)"

Ruchette,64 % (n=545), "26,3 ± 4,3 (n=115)", "11,2 ± 6,7 (n=98)

[/table]

Le succès de l’introduction d’une reine apparaît clairement meilleur dans des boîtes de volume supérieur, les meilleurs résultats étant obtenus dans les ruchettes (64 % contre 39 % dans des micro-nucs).

L’âge de ponte, bien que significatif, ne réagit pas proportionnellement à la taille des nucléis, celui-ci apparaissant plus élevé de 1,5 à 2 jours dans les ruchettes et micro-nucléis comparativement aux Dadant et aux Mini+.

La durée de vie des reines, bien qu’observée sur un nombre plus restreint d’individus, est une donnée intéressante pour les apiculteurs. Il apparaît que les reines issues des ruchettes vivent en moyenne 2,5 à 3 mois de plus que des reines fécondées dans des nucléis de taille inférieure.

Attention toutefois, les valeurs présentées ici sont brutes et ont été obtenues dans le cadre de la station de l’AOC Miel de Corse, donc sur une abeille qui possède des caractéristiques d’élevage spécifiques à la Corse (race, environnement, etc.).

Auteur : 

Benjamin Basso

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